Envoyé spécial à Angoulême – Un regard malicieux derrière ses lunettes, Rintarô nous accueille avec la vigueur étonnante de ses 83 printemps. Le légendaire réalisateur japonais est l’invité d’honneur du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, où il vient présenter son autobiographie dessinée, « Ma vie en 24 images par seconde », parue chez Kana. L’occasion de revenir sur un parcours qui se confond avec l’histoire du dessin animé japonais.
De Tôkyô à la montagne, l’éveil d’une passion
Né Shigeyuki Hayashi en 1941, Rintarô grandit dans le tumulte de la guerre. Fuyant les bombardements, sa famille se réfugie dans les Alpes japonaises, où la nature façonne son imaginaire. Mais c’est à 8 ans, devant un Recueil des contes du monde illustré par Arthur Rackham, qu’il connaît son premier choc esthétique. « Les dessins me permettaient de m’extraire du quotidien, comme un réveil », confie-t-il.
De retour à Tôkyô, il découvre le cinéma grâce à son père coiffeur et cinéphile. Le jeune Rintarô, fasciné par le projecteur, fabrique même sa lanterne magique pour montrer à ses amis son premier « film », une aventure de samouraïs dessinée à la main.
1957, les débuts chez Tôei
À 16 ans, peu doué pour les études, Rintarô se tourne naturellement vers l’animation. « Ce milieu pouvait accueillir les jeunes qui avaient déraillé », s’amuse-t-il. Engagé chez Tôei, il travaille comme coloriste sur Le Serpent blanc (1958), premier long métrage animé japonais en couleurs.
Le pays se reconstruisait et il manquait du personnel partout. Beaucoup d’adolescents ont été envoyés travailler à Tôkyô. C’est grâce à cette énergie que le Japon s’est relevé.
Rencontre avec Osamu Tezuka
Rintarô collabore ensuite avec Osamu Tezuka, « le dieu du manga », sur les séries Astro Boy et Le Roi Léo. Une amitié ponctuée d’anecdotes savoureuses, comme cette virée nocturne où Tezuka transportait son jeune collègue sur le porte-bagages de son vélo jusqu’au studio pour peaufiner un montage.
Albator, le space opéra culte
Devenu réalisateur confirmé, Rintarô s’attaque en 1978 à l’adaptation du manga de Leiji Matsumoto, Albator. Pour incarner ce « corsaire de l’espace » ténébreux et mélancolique, il s’inspire de l’acteur Kôji Tsuruta. La série, encensée par la critique, devient culte.
À la projection privée du pilote, le grand patron de Tôei aurait versé une larme…
Metropolis, le chef-d’œuvre visionnaire
En 2001, pour rendre hommage à Osamu Tezuka, disparu en 1989, Rintarô adapte son manga de SF Metropolis. Audacieux mélange d’animation 2D traditionnelle et de 3D novatrice, le film éblouit par sa maestria visuelle. Un « grand œuvre » que son père, décédé peu avant la sortie, ne verra hélas jamais.
Je n’ai jamais étudié le cinéma, ni lu de manuel, mais j’ai beaucoup appris en regardant des films italiens ou français avec mon père.
Rintarô
Aujourd’hui retraité après 6 ans de travail sur son autobiographie, Rintarô n’exclut pas un retour ponctuel derrière la caméra. Comme en témoigne le court-métrage réalisé en 2023 avec, une fois encore, son complice Katsuhiro Ôtomo au character design. Car si le temps passe, certaines amitiés et passions, elles, ne s’éteignent jamais.