C’est un coup de tonnerre dans l’actualité internationale. Rifaat al-Assad, l’oncle de l’ex-président syrien Bachar al-Assad surnommé le « boucher de Hama », a précipitamment quitté le Liban après la chute retentissante du régime de son neveu. Une fuite qui soulève de nombreuses questions, alors que ce haut responsable syrien est visé par de graves accusations de crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Un départ précipité malgré les accusations
Selon une source de sécurité libanaise, Rifaat al-Assad aurait pris un vol à l’aéroport de Beyrouth il y a environ une semaine, à destination inconnue. Un départ qui interroge, alors que cet ancien chef des forces d’élite du régime de Hafez el-Assad est accusé par le parquet fédéral suisse d’avoir « ordonné des meurtres, des actes de torture, des traitements cruels et des détentions illégales » lors de la sanglante répression d’une insurrection islamiste à Hama en 1982. Un massacre qui aurait fait entre 10 000 et 40 000 morts.
Malgré la gravité de ces accusations, Rifaat al-Assad a pu quitter le territoire libanais sans encombre, en possession d’un passeport diplomatique. Aucun mandat d’arrêt international n’ayant été émis à son encontre, les autorités n’ont pas pu procéder à son arrestation.
Un exil après des décennies au pouvoir
Âgé aujourd’hui de 87 ans, Rifaat al-Assad avait dû s’exiler de Syrie en 1984 après une tentative ratée de coup d’État contre son frère Hafez. Pendant 37 ans, il a vécu en France, se présentant comme un opposant au régime de son neveu Bachar. Mais en 2021, pour échapper à une condamnation à 4 ans de prison pour blanchiment et détournement de fonds publics syriens, il était rentré en Syrie.
Un retour de courte durée, brutalement interrompu par la chute du pouvoir de Bachar al-Assad début décembre, renversé par une coalition de groupes armés menés par les islamistes. Craignant pour sa sécurité, Rifaat al-Assad a alors rejoint le Liban par voie terrestre, avant de s’envoler depuis Beyrouth.
Un procès compromis par la fuite
Si son départ précipité lui permet d’échapper à la vindicte populaire en Syrie, il risque cependant de compromettre le procès qui le vise en Suisse pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Selon des médias suisses, le tribunal pénal fédéral envisagerait de clore la procédure, estimant que l’état de santé de Rifaat al-Assad l’empêcherait de voyager et de participer à son procès.
Une situation intenable pour les parties civiles et les victimes, qui attendent depuis des décennies que justice soit rendue. Beaucoup craignent que la fuite de Rifaat al-Assad à l’étranger ne lui permette d’échapper définitivement à ses responsabilités dans les crimes commis à Hama et ailleurs en Syrie.
D’autres responsables en fuite
Rifaat al-Assad n’est pas le seul haut responsable syrien à avoir fui le pays après la chute du régime. Selon la même source, Bouthaïna Chaabane, ancienne conseillère de Hafez al-Assad, aurait elle aussi quitté le Liban pour Abou Dhabi, là encore grâce à un passeport diplomatique.
Ces départs en cascade illustrent le sauve-qui-peut des dignitaires de l’ancien régime, qui cherchent par tous les moyens à échapper aux poursuites et à la colère d’une population syrienne meurtrie par des décennies de répression sanglante.
Une justice internationale impuissante ?
La fuite de Rifaat al-Assad et d’autres responsables syriens pose avec acuité la question de la capacité de la justice internationale à poursuivre les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. En l’absence de mandats d’arrêts internationaux, beaucoup parviennent à se soustraire aux procédures judiciaires en trouvant refuge à l’étranger.
Une situation d’autant plus problématique qu’elle renforce le sentiment d’impunité des bourreaux et la détresse des victimes. Alors que la Syrie peine à se reconstruire après des années de guerre civile meurtrière, l’établissement de la vérité et des responsabilités apparaît pourtant comme un préalable indispensable à toute réconciliation nationale.
La communauté internationale saura-t-elle se donner les moyens de poursuivre les criminels de guerre syriens, où qu’ils se trouvent ? La réponse à cette question dira si les droits humains fondamentaux peuvent encore être défendus et si les pires exactions peuvent enfin être sanctionnées. Un enjeu crucial pour l’avenir de la Syrie et pour la crédibilité d’une justice pénale internationale encore bien trop souvent impuissante.