Que pousse un homme à tout quitter, à braver des jungles hostiles et des frontières surveillées, pour un rêve d’amour et de liberté ? Pour Andry Hernandez, un Vénézuélien de 30 ans, ce rêve s’est transformé en cauchemar dans une prison de haute sécurité au Salvador. Son histoire, celle d’un maquilleur-coiffeur parti rejoindre son compagnon aux États-Unis, révèle les dures réalités de la migration, marquées par l’espoir, la violence et la résilience.
Un Rêve d’Amour et de Liberté
Il y a deux ans, Andry rencontre Paul Diaz, un psychologue américain d’origine portoricaine, sur Internet. Leur connexion est immédiate. Ensemble, ils nourrissent un projet ambitieux : créer une association pour soutenir les enfants atteints du VIH et du cancer. Pour Andry, ce projet représente plus qu’une mission humanitaire ; c’est une chance de vivre librement son amour, loin de l’homophobie qui imprègne son Venezuela natal. Il rêve aussi de travailler dans le glamour d’Hollywood ou dans l’univers des concours de beauté, où ses talents de maquilleur-coiffeur pourraient briller.
Mais au Venezuela, où la crise économique et sociale fait rage, rester signifie stagner. En 2024, comme des centaines de milliers de ses compatri vénézuéliens, Andry décide de tenter sa chance. Il se lance dans un périple périlleux à travers la jungle du Darien, un passage notoire entre la Colombie et le Panama, connu pour ses dangers : prédateurs, trafiquants, et conditions extrêmes. Son objectif ? Rejoindre Paul aux États-Unis et construire leur avenir ensemble.
Le Périlleux Chemin vers l’Amérique
Le voyage d’Andry est une odyssée marquée par l’incertitude. Après avoir traversé la jungle du Darien, il poursuit sa route à travers l’Amérique centrale, jusqu’à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Mais là, son rêve s’effrite. Arrêté par les autorités américaines, il est expulsé vers le Mexique, victime des politiques migratoires strictes. Refusant d’abandonner, Andry opte pour une voie légale. Il utilise l’application CBP One, qui permet aux migrants, notamment vénézuéliens, de demander un rendez-vous pour une demande d’asile aux États-Unis.
« J’ai réussi », se souvient-il avoir pensé en traversant à nouveau la frontière, voyant le drapeau américain flotter au loin.
Le 29 août 2024, Andry croit toucher son rêve du bout des doigts. Mais la réalité le rattrape brutalement. À cause de deux tatouages de couronnes sur ses poignets, les autorités américaines l’associent à tort au gang vénézuélien Tren de Aragua, classé comme organisation terroriste par Washington. Malgré ses explications – les couronnes symbolisent les Rois Mages, pas une affiliation criminelle – il est envoyé dans un centre de détention à Otay Mesa, en Californie.
Un Cauchemar dans une Prison Salvadorienne
Le centre d’Otay Mesa, bien que loin d’être idéal, semble presque confortable comparé à ce qui attend Andry. Expulsé vers le Salvador, il est incarcéré au Centre de confinement du terrorisme (Cecot), une prison de haute sécurité construite sous l’impulsion du président Nayib Bukele pour enfermer les membres des cartels les plus dangereux. Là, Andry vit un calvaire. Pendant quatre mois, il endure des violences physiques, des insultes et des abus inimaginables.
Il raconte un épisode particulièrement traumatisant. Accablé par la chaleur, il s’asperge d’eau en cachette, un acte anodin qui lui vaut une punition sévère. Les gardiens l’emmènent dans une cellule d’isolement, surnommée l’île, un espace de 9 mètres carrés sans lumière ni ventilation. Là, il subit des violences physiques et sexuelles pendant ce qu’il décrit comme deux heures interminables.
« Je ne suis pas un criminel ! », implorait-il, en vain, face à des gardiens indifférents.
Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres d’un quotidien marqué par la peur et l’humiliation. Andry, qui n’a jamais été condamné ni accusé d’un quelconque crime, se retrouve pris dans un système où les présomptions d’innocence semblent inexistantes.
L’Espoir au Milieu du Chaos
Pendant ce temps, à l’extérieur, Paul ne baisse pas les bras. Par amour, il engage un avocat pour tenter de faire libérer Andry. Leur lien, tissé à distance, reste une lueur d’espoir pour le jeune Vénézuélien. Paul lui répète qu’il veut construire une vie ensemble, travailler côte à côte pour leur projet commun. Mais les mois passent, et l’espoir s’amenuise dans l’obscurité du Cecot.
Après quatre mois d’enfer, Andry est libéré avec 251 autres Vénézuéliens. Il retourne dans son village natal, seul, loin de Paul et de ses rêves d’Hollywood. Pourtant, il refuse de capituler. « Si on me permet d’entrer, oui, j’irai », déclare-t-il, évoquant la possibilité de retenter sa chance aux États-Unis. Pour l’instant, les deux amoureux envisagent de se retrouver en Colombie, un terrain neutre où ils pourraient rebâtir leur projet.
Les Défis de la Migration Vénézuélienne
L’histoire d’Andry n’est pas isolée. En 2024, environ 300 000 Vénézuéliens ont emprunté la route du Darien, fuyant la crise économique, politique et sociale qui ravage leur pays. Ce flux migratoire massif met en lumière les défis auxquels sont confrontés les migrants :
- Insécurité physique : La jungle du Darien et les routes migratoires sont semées d’embûches, des prédateurs naturels aux trafiquants.
- Politiques migratoires strictes : Les expulsions rapides, comme celle d’Andry, sont fréquentes aux frontières américaines.
- Discrimination : L’homophobie, que ce soit au Venezuela ou dans les centres de détention, aggrave les épreuves des migrants comme Andry.
- Traumatismes durables : Les violences subies en prison laissent des cicatrices physiques et psychologiques difficiles à surmonter.
Ces obstacles, combinés à la stigmatisation des migrants, rendent le rêve d’une vie meilleure presque inaccessible pour beaucoup. Pourtant, des histoires comme celle d’Andry montrent une résilience remarquable, un refus de laisser les épreuves éteindre l’espérance.
Un Système Carcéral Controversé
Le Centre de confinement du terrorisme au Salvador, où Andry a été détenu, est emblématique des politiques sécuritaires du président Nayib Bukele. Conçu pour enfermer les membres des cartels, il est souvent critiqué pour ses conditions inhumaines et son manque de transparence. Les témoignages comme celui d’Andry soulignent les dérives possibles d’un système où les présomptions d’innocence sont parfois ignorées.
| Aspect | Description |
|---|---|
| Conditions de détention | Cellules surpeuplées, manque de ventilation, violences physiques et psychologiques. |
| Profil des détenus | Mélange de criminels avérés et de migrants sans antécédents, comme Andry. |
| Objectif officiel | Lutter contre les cartels et le crime organisé. |
| Critiques | Abus des droits humains, absence de procès équitables, conditions inhumaines. |
Pour Andry, le Cecot restera un « petit morceau d’enfer », un lieu où ses rêves ont été mis à rude épreuve. Pourtant, il refuse de se définir par cette expérience. Son histoire est un rappel que derrière chaque migrant se cache une quête personnelle, souvent motivée par l’amour, l’espoir et le désir d’une vie meilleure.
Vers un Nouvel Horizon ?
Aujourd’hui, Andry savoure la liberté retrouvée dans son village vénézuélien. Mais son cœur reste tourné vers Paul et leur projet commun. La Colombie, où ils envisagent de se retrouver, pourrait être un nouveau départ. Pourtant, les cicatrices du Cecot et l’incertitude de l’avenir pèsent lourd. Reverra-t-il les États-Unis ? Réalisera-t-il son rêve de travailler dans le glamour d’Hollywood ? L’avenir reste flou, mais sa détermination intacte.
L’histoire d’Andry Hernandez est plus qu’un simple récit migratoire. C’est un témoignage de courage, d’amour et de résilience face à des obstacles écrasants. Elle nous rappelle que les rêves, même brisés, peuvent renaître, portés par la force de l’espoir et de la persévérance.
