Plus de dix ans après le début du conflit syrien, la chute récente de Bachar el-Assad a permis à de nombreuses victimes de sortir du silence. Des survivants d’attaques chimiques, arme de terreur massive utilisée par le régime pour mater la rébellion, livrent des témoignages glaçants sur ces crimes de guerre. Avec le changement de régime, l’heure est venue pour la Syrie de panser ses plaies et d’entamer une délicate transition politique, sous l’œil attentif de la communauté internationale.
Le calvaire des habitants de la Ghouta orientale
Bastion rebelle aux portes de Damas, la Ghouta orientale a été la cible de plusieurs attaques au gaz sarin et au chlore entre 2013 et 2018. Hassan Diab, adolescent de 17 ans, se souvient de celle du 7 avril 2018 à Douma. « Les gens criaient de partout : « attaque chimique, attaque chimique « . Rapidement, j’ai commencé à ne plus pouvoir respirer », confie-t-il, les yeux encore hantés. Sa mère Rawaa, à ses côtés, revit ces instants d’horreur : « Je sentais toutes mes forces me quitter, car je le voyais mourir sous mes yeux ».
Les attaques chimiques étaient l’arme de destruction massive du régime pour venir à bout de la rébellion.
Un médecin de la Ghouta orientale
Selon des sources médicales locales, ces attaques au gaz toxique, combinées aux bombardements conventionnels, ont fait des centaines de victimes civiles, dont de nombreux enfants, et des milliers de blessés. Des images insoutenables de cadavres d’enfants asphyxiés avaient fait le tour du monde, suscitant l’indignation internationale, sans pour autant infléchir la stratégie meurtrière du régime Assad.
L’utilisation d’armes chimiques, un « crime de guerre »
Le recours aux armes chimiques, interdit par les conventions internationales, constitue un « crime de guerre » selon l’ONU. Damas a toujours nié en être l’auteur, malgré les rapports accablants d’organes onusiens et d’ONG comme Human Rights Watch.
Aujourd’hui, avec la chute de la dictature, les preuves de l’implication du régime s’accumulent. D’anciens responsables des services de sécurité, comme Adib Salameh qui supervisait plusieurs centres de détention à Homs, commencent à parler et confirment l’existence d’un vaste programme chimique syrien.
Pour Nadim Houry, directeur de l’ONG Syrian Justice and Accountability Center, ces témoignages sont cruciaux pour la justice :
Les survivants et les familles des victimes exigent que les responsables rendent des comptes. C’est un préalable nécessaire à toute réconciliation nationale.
Nadim Houry, Syrian Justice and Accountability Center
Quel avenir pour la Syrie et les victimes ?
La Syrie panse aujourd’hui ses plaies après une décennie de guerre dévastatrice. Le départ de Bachar el-Assad ouvre la voie à une transition politique semée d’embûches. Les nouveaux dirigeants tentent d’engager le dialogue avec l’opposition et la société civile pour reconstruire le pays, tout en cherchant le soutien de la communauté internationale.
Les défis sont immenses pour ce pays en ruine, où 90% de la population vit sous le seuil de pauvreté. L’urgence est à la reconstruction et à l’aide humanitaire pour des millions de déplacés. Mais les Syriens exigent aussi la vérité et la justice pour les crimes commis, comme l’explique cette militante des droits humains :
Nous ne pourrons tourner la page sans que les responsables des pires exactions, dont les attaques chimiques, soient jugés et punis. Les victimes ont droit à la justice et à la dignité.
Mona, militante syrienne des droits humains
Reste à savoir si la justice transitionnelle, avec le soutien de mécanismes internationaux comme la Cour pénale internationale, pourra être rendue. Malgré ces incertitudes, les Syriens veulent croire en des jours meilleurs, comme le confie cette mère de Douma :
Je veux que mes enfants grandissent dans un pays en paix, où plus jamais ils n’auront à craindre les bombes ou les gaz toxiques. C’est mon plus grand espoir.
Rawaa, survivante des attaques chimiques à Douma
La communauté internationale, après des années d’inaction et de divisions, semble enfin déterminée à accompagner le changement en Syrie. Une conférence des donateurs est prévue à Bruxelles pour mobiliser de l’aide. Les capitales occidentales multiplient les gestes d’ouverture diplomatique envers les nouvelles autorités, tout en exigeant des progrès sur le respect des droits humains et la lutte contre l’impunité.
Malgré les souffrances endurées, le peuple syrien veut garder espoir en l’avenir. Hassan, l’adolescent de Douma, en est convaincu : « Notre pays a trop souffert. Il est temps que la paix revienne et que justice soit faite. Nous méritons de vivre enfin des jours heureux ». Un vœu que partagent tous les Syriens après tant d’années de cauchemar.