Un rapport de police publié mardi a fait l’effet d’une bombe au Brésil. Selon les enquêteurs, l’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro aurait « participé activement » à un projet de coup d’État visant à empêcher le retour au pouvoir de son successeur de gauche Luiz Inácio Lula da Silva après l’élection présidentielle de 2022. Ces accusations, si elles sont avérées, constitueraient un séisme politique majeur pour le géant sud-américain.
Bolsonaro au cœur d’un complot antidémocratique
D’après le volumineux rapport de plus de 800 pages remis au parquet, Jair Bolsonaro, battu de justesse par Lula lors du scrutin d’octobre, aurait planifié et pris part « de façon directe et effective aux actes d’une organisation criminelle qui avait pour objectif un coup d’État ». L’ancien chef de l’État, toujours très populaire au sein de la droite radicale, aurait également eu « pleinement conscience » d’un projet présumé d’assassinat visant son rival ainsi que le vice-président élu Geraldo Alckmin et un juge de la Cour suprême.
Ces graves accusations interviennent dans un contexte de tensions extrêmes au Brésil, près de six mois après l’assaut de milliers de partisans de Bolsonaro contre les lieux de pouvoir à Brasilia. Beaucoup y voient des similitudes troublantes avec l’attaque du Capitole aux États-Unis le 6 janvier 2021 par des trumpistes convaincus d’une fraude électorale.
L’opération « Poignard vert »
Baptisée « Poignard vert » en référence à la tentative d’assassinat de Bolsonaro lors de la campagne de 2018, l’opération visant à éliminer physiquement les dirigeants de gauche devait être mise à exécution avant l’investiture de Lula le 1er janvier 2023. La semaine dernière, quatre militaires et un policier soupçonnés d’être impliqués dans ce complot meurtrier ont été arrêtés.
Les éléments de preuve obtenus tout au long des investigations ont montré sans équivoque que Jair Bolsonaro a planifié et a pris part de façon directe et effective aux actes d’une organisation criminelle.
Extrait du rapport de police
Bolsonaro clame son innocence
Pour sa part, l’ex-président nie farouchement toute implication dans ces projets antidémocratiques et se dit victime d’une « persécution politique ». « Le terme coup d’État n’a jamais fait partie de mon lexique », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse lundi, martelant avoir toujours agi « dans les quatre lignes de la Constitution ».
Mais pour les enquêteurs, Bolsonaro aurait bien participé sciemment « aux actes clandestins visant à abolir l’État de droit démocratique ». Au total, 37 personnes sont visées par le rapport qui préconise leur inculpation, dont une large majorité de militaires.
Un pays sous le choc
Au Brésil, encore traumatisé par les années de dictature militaire (1964-1985), ces révélations ont fait l’effet d’un électrochoc. Beaucoup s’inquiètent de la fragilité de la démocratie dans ce pays profondément divisé, où l’extrême droite n’a jamais vraiment accepté le retour au pouvoir de la gauche.
Pour le politologue Claudio Couto de la Fondation Getulio Vargas, cette affaire témoigne de « l’existence d’un groupe au sein des forces armées qui refuse le résultat des urnes et qui est prêt à tout pour le contester, y compris par la force ». Un constat inquiétant alors que Lula s’efforce depuis son investiture de pacifier le pays et de consolider son pouvoir.
La balle est dans le camp du procureur général
C’est désormais au procureur général de la République, Paulo Gonet, de décider des suites à donner à ce dossier explosif. En cas d’inculpation, Jair Bolsonaro pourrait être condamné à de lourdes peines de prison et se voir privé de ses droits politiques, un scénario catastrophe pour celui qui caresse l’espoir d’un retour au pouvoir en 2026.
Mais même sans poursuites judiciaires, le mal est fait pour l’ancien dirigeant dont l’image est durablement écornée. À 69 ans, celui qui se rêvait en sauveur de la nation voit son avenir politique s’assombrir considérablement à mesure que s’accumulent les révélations sur les heures les plus sombres de son mandat.