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Rétrospective historique : faut-il invoquer le passé en politique ?

Élections 2024 : l'instrumentalisation de l'histoire en politique atteint son paroxysme. L'historien Jérôme Fehrenbach appelle à tourner la page et à se concentrer sur les enjeux d'avenir. Une perspective salutaire en ces temps troublés où le passé...

En cette période d’élections législatives 2024, le débat politique français semble se noyer dans une « hypersollicitation de l’histoire » qui nous empêche de voir la singularité de notre époque. C’est le constat dressé par l’historien Jérôme Fehrenbach dans une tribune publiée récemment, appelant les acteurs politiques à « laisser un peu l’histoire de côté, et parler de l’avenir ».

Le piège des amalgames historiques

Depuis quelques semaines, les références historiques se multiplient dans les discours des différents camps. Certains brandissent le spectre d’un nouveau « Munich ». D’autres évoquent la constitution d’un « Front populaire » ou d’un « Front républicain ». Des figures emblématiques comme de Gaulle ou Léon Blum sont convoquées pour discréditer l’adversaire ou s’arroger un héritage prestigieux.

Pour Jérôme Fehrenbach, ces raccourcis sont dangereux et trompeurs. Ils tendent à aplatir la complexité du réel et à banaliser des concepts lourds de sens, comme celui de « génocide ». À force de répéter les mêmes anathèmes, on en vient à perdre de vue la gravité unique de chaque situation.

L’histoire comme outil, pas comme remède

Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille ignorer totalement les leçons du passé. L’histoire reste un précieux « réservoir d’exemples » pour éclairer le présent, nuancer nos jugements, affiner notre discernement. Mais elle ne fournit pas de remèdes tout faits aux maux d’aujourd’hui.

Le mal, compagnon de la destinée humaine, prend sans cesse des allures différentes, et il est vain, pour le circonscrire et le terrasser, de rechercher une éternelle concordance entre les masques du présent et les figures du passé.

– Jérôme Fehrenbach

Les risques de l’appropriation de l’histoire

L’autre écueil pointé par l’historien est celui de « l’usurpation » des grands personnages et épisodes historiques, réduits à des figures rhétoriques pour servir les intérêts du moment. Cette captation d’héritage dessert souvent ceux-là mêmes qui s’y livrent, comme l’illustre le sort du Front populaire, alliance éphémère malgré sa victoire.

Surtout, cette instrumentalisation de l’histoire appauvrit le débat démocratique en le détournant des vrais enjeux. Elle nuit à la juste compréhension du passé, réinterprété à l’aune de considérations présentes.

Retrouver le sens des responsabilités

Plutôt que de rejouer les querelles d’hier, Jérôme Fehrenbach invite les responsables politiques à se montrer à la hauteur des défis d’aujourd’hui et de demain. Cela implique de se confronter à la réalité sans fard, d’assumer des choix difficiles, de proposer un cap clair et de rassembler les Français autour d’un projet collectif.

Pour une fois, laissons un peu de côté l’histoire et les passions françaises, parlons de l’avenir, de programmes, de responsabilités.

– Jérôme Fehrenbach

Un appel bienvenu à la lucidité et au courage politique, pour affronter les temps incertains qui s’annoncent. Car les grandes figures du passé, si inspirantes soient-elles, ne pourront pas relever à notre place le défi de construire un avenir commun.

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