La polémique sur la très contestée réforme des retraites est loin d’être terminée. Alors que le premier ministre François Bayrou a annoncé la réouverture des négociations avec les partenaires sociaux, sans aucun « tabou » sur l’âge légal de départ, l’opposition crie à la mascarade. Manuel Bompard, coordinateur de La France Insoumise, accuse François Bayrou d’avoir donné un « droit de veto au Medef » en remettant le sujet sur la table.
Un « conclave » de 3 mois pour renégocier, vraiment ?
Très attendu sur la question brûlante des retraites lors de son discours de politique générale mardi, François Bayrou a tenté un coup de poker. Tout en refusant catégoriquement toute suspension ou abrogation de la réforme portée par Élisabeth Borne et adoptée au forceps au printemps dernier, il a annoncé l’ouverture d’une période de 3 mois de dialogue avec les syndicats et le patronat. Objectif affiché : rediscuter de tout, « sans aucun tabou », y compris donc un éventuel retour à un âge légal de départ à 62 ans. De quoi donner des gages à une partie de l’opposition.
Mais pour Manuel Bompard, c’est une façon déguisée de légitimer et de pérenniser la réforme en l’état. Le patron des Insoumis flingue « une manœuvre pour donner un droit de veto au Medef » qui sera forcément opposé à tout retour en arrière sur les 64 ans.
Alors qu’il y aura autour de la table l’ensemble des organisations syndicales et patronales, Manuel Bompard a jugé que les représentants patronaux vont forcément s’opposer à un retour de l’âge légal de départ à 62 ans.
Une analyse partagée par de nombreux observateurs qui voient mal le patronat lâcher sur ce point, son cheval de bataille depuis des années pour financer les retraites.
Le PS déçu malgré des « acquis » arrachés
Côté socialiste, la déception est également de mise malgré les intenses négociations menées ces derniers jours avec le gouvernement. Sur TF1, Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a reconnu des « acquis » comme la mise sur la table de l’âge de départ. Mais pour lui, « le compte n’y est pas » et il a exclu de valider un retour de la réforme contestée si les discussions n’aboutissent pas. Il a même brandi la menace d’une motion de censure si aucune réponse claire n’est apportée sous 48h. Un ultimatum qui semble peu réaliste.
Les syndicats sceptiques, la rue remobilisée
Du côté des centrales syndicales, qui ont mené la fronde pendant des mois contre le report de l’âge légal, le scepticisme est également de mise. À la CFDT comme à la CGT, on rappelle l’opposition ferme à toute remise en cause des 62 ans, socle de leur combat. Un conclave de 3 mois avec le patronat dans la balance ne suffit pas à les convaincre d’une réelle volonté d’écoute et de dialogue du gouvernement. Beaucoup craignent que cela ne serve qu’à diviser les oppositions en donnant l’illusion de la discussion.
Ce nouvel épisode ravive aussi la colère de la rue. Des appels à manifester ont refleuri sur les réseaux sociaux, promettant une rentrée sociale agitée si le gouvernement campe sur ses positions. Les Gilets Jaunes, en sommeil ces derniers mois, menacent aussi de remettre leurs chasubles.
Vers un automne de tous les dangers pour l’exécutif
En rouvrant ce dossier explosif des retraites, François Bayrou joue avec le feu. S’il ne lâche rien sur le fond, il risque de durcir les oppositions et de faire redescendre des centaines de milliers de personnes dans la rue, unies contre lui. Mais s’il cède, il décrédibiliserait l’action des derniers mois et donnerait l’image d’un exécutif sans cap ni autorité.
Un parfait lose-lose dont on voit mal comment il pourra sortir par le haut. Sauf à imaginer un improbable compromis avec les syndicats réformistes en jouant la division. Ou à gagner du temps en repoussant les arbitrages au-delà des 3 mois. Deux options à hauts risques qui pourraient définitivement embraser un quinquennat déjà mal embarqué. L’automne s’annonce brûlant pour Emmanuel Macron et ses troupes.