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Retours Volontaires : Le Défi Migratoire en France

Le retour volontaire des migrants en situation irrégulière, un dispositif en place depuis 50 ans en France, peine à convaincre malgré des aides financières. Les raisons de cet échec sont multiples : incertitude, perception d'échec, difficultés administratives...

Depuis un demi-siècle, la France tente de convaincre les migrants en situation irrégulière de rentrer volontairement dans leur pays d’origine, en échange d’une aide financière. Pourtant, ce dispositif d’aide au retour volontaire (ARV) peine à atteindre ses objectifs, malgré son extension récente à 23 pays européens.

Un parcours semé d’embûches

Le programme ARV, destiné aux étrangers faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), offre une allocation pouvant atteindre 2 500 euros, ainsi qu’un financement pour un projet professionnel dans le pays d’origine, d’un montant moyen de 5 000 à 6 000 euros. En 2024, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) a versé 6 908 aides au retour, principalement à des ressortissants géorgiens, albanais et maghrébins.

Cependant, ces chiffres restent modestes en comparaison des 11 000 éloignements forcés effectués en 2022. Selon un rapport de la Cour des Comptes, la France accuse un retard notable face à ses voisins européens, l’Allemagne ayant enregistré 26 545 retours volontaires la même année.

L’échec des premières tentatives

Les incitations au retour volontaire sont apparues pour la première fois en France en 1977, dans le but d’encourager les chômeurs étrangers à rentrer chez eux suite au choc pétrolier. Selon Thomas Lacroix, chercheur au CNRS, cette initiative s’est soldée par un échec :

Ça a été un flop déjà à l’époque. Les seuls à en bénéficier ont été les Portugais et les Espagnols qui avaient déjà prévu leur retour et qui n’étaient pas la cible visée.

Thomas Lacroix, directeur de recherche au CNRS

Dans les années 1980 et 1990, différents dispositifs se sont succédé, sans plus de succès, ciblant tour à tour les chômeurs étrangers souhaitant développer un projet dans leur pays d’origine, puis les migrants en situation irrégulière.

Au-delà de l’aspect financier

Pour expliquer le faible succès de ces mesures, Thomas Lacroix souligne que l’enjeu dépasse la simple question financière : « Le coût de l’incertitude généré par le retour est supérieur à l’aide proposée. » De nombreux facteurs difficiles à chiffrer entrent en ligne de compte, tels que les conflits familiaux ou l’incertitude économique dans le pays d’origine.

De plus, le retour est souvent perçu comme un échec par les personnes qui se sont endettées auprès de leur famille pour immigrer. Selon le chercheur, les allers-retours seraient facilités si les migrants pouvaient circuler de manière plus fluide et obtenir plus aisément des papiers.

Vers une politique plus digne ?

Malgré ces obstacles, Camille Le Coz, chercheuse au Migration Policy Institute, estime que les retours volontaires mériteraient d’être davantage développés, car ils sont « beaucoup plus dignes » pour les personnes concernées, créent moins de tensions diplomatiques et coûtent moins cher que les expulsions forcées.

Cependant, elle note la difficulté à défendre politiquement ces dispositifs, perçus comme une « bourse » accordée à des personnes en situation irrégulière, ce qui déplaît à l’extrême droite. Pourtant, comme le souligne Didier Leschi, directeur de l’Ofii, un retour forcé sous escorte policière, avec placement en centre de rétention, coûte bien plus cher, environ 13 800 euros selon un rapport parlementaire de 2019.

L’Europe face à un dilemme

En 2021, la Commission européenne avait adopté une nouvelle stratégie pour encourager les retours volontaires et la réintégration des immigrés. Aujourd’hui, sous la pression des partis d’extrême droite, elle envisage une révision de la « directive retour » afin d’accélérer et d’accroître les expulsions forcées.

Face à ce dilemme, la France et l’Europe doivent trouver un équilibre entre fermeté et humanité dans leur gestion des flux migratoires. Les retours volontaires, malgré leurs limites, pourraient constituer une piste à explorer pour une politique migratoire plus juste et plus efficace.

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