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Resolute Verse 160 Millions de Dollars pour Régler ses Litiges au Mali

La compagnie aurifère Resolute a accepté de verser 160 millions de dollars au Mali pour régler ses litiges, suite à l'arrestation inattendue de son DG et de deux cadres à Bamako. Que s'est-il passé et quelles seront les conséquences pour l'industrie minière du pays ?

Dans un rebondissement inattendu, la société minière australienne Resolute a annoncé un accord de 160 millions de dollars avec le gouvernement du Mali pour régler ses différends, peu après l’arrestation controversée de son directeur général et de deux autres cadres de haut niveau à Bamako début novembre. Cette affaire met en lumière les tensions croissantes entre les compagnies minières étrangères et la junte militaire au pouvoir, déterminée à redistribuer les revenus de l’or, pilier de l’économie malienne.

Arrestations surprises et accusations troubles

D’après une source proche du dossier, le directeur général britannique de Resolute, Terence Holohan, accompagné de deux collègues, s’était rendu dans la capitale malienne début novembre pour ce qu’il pensait être des négociations de routine avec le gouvernement. Mais les trois hommes ont été interpellés à leur arrivée et placés en garde à vue, un coup de théâtre qui a pris le groupe minier de court. Les cadres sont interrogés pour de présumés faux et atteinte aux biens publics, des accusations nébuleuses qui soulèvent des questions sur les motivations réelles derrière cette manœuvre.

Un pactole pour apaiser les tensions

Face à cette situation explosive, Resolute a dû mettre la main au portefeuille pour dénouer la crise. Le groupe a accepté de verser pas moins de 160 millions de dollars au gouvernement malien, dont une première tranche de 80 millions prélevée sur ses réserves de trésorerie. Ce paiement massif doit permettre de régler l’ensemble des litiges en cours, « y compris relatifs aux impôts, aux droits de douane et à la gestion de comptes offshore », a précisé l’entreprise dans un communiqué lapidaire.

Resolute, qui exploite la mine d’or de Syama dans le sud-ouest du Mali via une filiale détenue à 80%, n’a donné aucune indication sur la date de libération de ses employés. L’accord trouvé in extremis démontre l’ampleur des pressions exercées par la junte pour renégocier à son avantage les contrats miniers hérités de la période pré-putsch.

L’or malien, une manne convoitée

Bien que figurant parmi les pays les plus pauvres de la planète, le Mali se classe dans le peloton de tête des producteurs d’or africains. Le métal précieux contribue pour un quart au budget national et représente les trois quarts des recettes d’exportation, une rente considérable qui attise les appétits. Depuis leur prise de pouvoir par la force en 2020, les militaires ont fait de la lutte anti-corruption et de la restauration de la souveraineté sur les ressources naturelles leurs chevaux de bataille.

Barrick Gold, autre géant minier en conflit avec Bamako, avait déjà dû s’acquitter en octobre d’une amende de 50 milliards de francs CFA (81 millions de dollars) dans le cadre d’un arrangement similaire. Quatre de ses employés avaient aussi été brièvement interpellés fin septembre. Ces épisodes illustrent la détérioration du climat des affaires pour les multinationales depuis l’irruption des militaires sur la scène politique.

Bamako joue la carte russe

La multiplication des coups de pression contre les compagnies étrangères coïncide avec le pivot stratégique opéré par la junte en direction de la Russie. Depuis leur arrivée au pouvoir, les colonels ont pris leurs distances avec l’ancien partenaire français pour se rapprocher de Moscou, suscitant des spéculations sur l’influence grandissante du groupe paramilitaire Wagner au Mali. Cette réorientation géopolitique semble aller de pair avec une volonté de reprendre en main l’exploitation des immenses réserves aurifères du pays.

Derrière l’affaire Resolute se profile l’émergence d’un “nationalisme minier”, une tendance qui pourrait rebattre les cartes du secteur.

– Un expert du secteur extractif souhaitant garder l’anonymat

Si les investisseurs s’inquiètent de ce raidissement, les autorités maliennes semblent déterminées à ne plus brader les richesses du sous-sol national. L’issue du bras de fer engagé avec les multinationales de l’or sera scrutée de près par les acteurs économiques de la région, dans un contexte sécuritaire toujours plus dégradé par la menace jihadiste et les crises à répétition.

Vers un nouveau paradigme minier au Sahel ?

Au-delà du cas malien, c’est tout le modèle de l’exploitation minière en Afrique de l’Ouest qui est questionné. Pendant des décennies, les grandes compagnies occidentales ont pu extraire l’or du Sahel à des conditions très favorables, sans que les retombées ne profitent réellement aux populations. Mais avec la montée des contestations et l’instabilité croissante dans la région, ce système apparaît de plus en plus fragilisé.

Pour les États producteurs, l’enjeu est de trouver un équilibre entre la préservation d’un secteur crucial pour les finances publiques et une meilleure redistribution des bénéfices. Une équation complexe sur fond de crise multidimensionnelle, entre pressions sécuritaires, urgence sociale et fièvre de l’or. L’affaire Resolute pourrait n’être que le premier épisode d’une vaste recomposition qui se joue actuellement dans les entrailles de l’Afrique sahélienne.

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