Un réseau structuré, des méthodes dignes des trafiquants de drogue, des centaines de milliers d’euros en jeu… Le démantèlement d’un important trafic de cigarettes de contrebande dans le 18e arrondissement de Paris met en lumière l’ampleur d’un phénomène aussi lucratif qu’inquiétant. Zoom sur une affaire hors norme qui emmène trois hommes devant la justice ce lundi.
Le “Petit Kaboul”, plaque tournante du trafic
Surnommé le “Petit Kaboul”, le secteur de la place de la Chapelle, dans le 18e arrondissement de Paris, est connu pour abriter l’un des plus importants points de vente de cigarettes de contrebande de la capitale. Depuis des années, ce marché parallèle y prospère sous la coupe de réseaux gérés par la communauté afghane.
En septembre dernier, après le démantèlement d’une équipe, trois nouveaux suspects avaient été interpellés, soupçonnés de diriger un trafic “très organisé”, selon une source policière. Ces Afghans âgés de 26 à 45 ans, sans papiers ou demandeurs d’asile, comparaissent ce lundi 21 octobre devant le tribunal correctionnel de Paris.
Une organisation calquée sur les trafics de drogue
D’après les enquêteurs, le réseau afghan avait structuré son activité en s’inspirant directement des trafics de stupéfiants. Guetteurs, “chouffeurs”, ravitailleurs, collecteurs de fonds… Les rôles étaient précisément répartis pour assurer le bon fonctionnement et la discrétion des opérations.
Les trafiquants allaient jusqu’à employer des techniques de “go-fast” pour transporter leur marchandise, avec un véhicule “ouvreur” chargé de repérer d’éventuels contrôles de police, suivi d’une voiture “porteuse” transportant les cartouches de cigarettes. Un mode opératoire emprunté aux trafics de drogue.
Des profits colossaux
L’ampleur des saisies donne une idée des profits engrangés. Lors des perquisitions, les enquêteurs ont mis la main sur plus de 10 000 cartouches de cigarettes, ainsi que des dizaines de milliers d’euros en liquide.
Vendues à la sauvette entre 5 et 7 euros le paquet, contre 10 euros en bureau de tabac, les cigarettes de contrebande génèrent une marge conséquente pour les trafiquants. Avec des centaines de paquets écoulés chaque jour, on imagine sans peine les bénéfices colossaux, au détriment des taxes et de la santé publique.
C’est un business extrêmement rentable, avec des risques judiciaires plus faibles que pour les stupéfiants. D’où l’attrait pour les réseaux criminels.
Une source policière
La difficile lutte contre les trafics
Malgré les opérations coup de poing, les saisies et les arrestations, les points de vente sauvages ne désemplissent pas. D’après des sources concordantes, dès qu’une équipe est démantelée, une autre prend le relais dans la foulée pour assurer la continuité du trafic.
Les enquêteurs soulignent la grande capacité d’adaptation et de résilience des réseaux, qui recrutent en permanence de nouveaux vendeurs à la sauvette et s’approvisionnent via de multiples canaux. Un contexte qui rend la lutte anti-trafics particulièrement ardue pour les forces de l’ordre.
Le procès qui s’ouvre ce lundi devrait permettre d’en savoir plus sur les rouages de ce trafic tentaculaire, et sur le degré d’implication des trois prévenus afghans. Un dossier symptomatique d’un phénomène dont on est loin d’avoir vu le bout, tant les profits colossaux continuent d’attirer la pègre.