En Russie, les procès pour “diffusion de fausses informations” sur l’armée se multiplient depuis le début du conflit en Ukraine. Dernière affaire en date : celui d’une pédiatre de 68 ans, Nadejda Bouïanova, qui encourt 6 ans de prison pour avoir osé critiquer dans une conversation privée l’offensive militaire russe chez son voisin. Un dossier emblématique de la répression tous azimuts orchestrée par le régime de Vladimir Poutine contre toute voix dissidente, aussi minime soit-elle.
Un réquisitoire implacable pour quelques mots
Le 2 juin dernier, le parquet a requis pas moins de 6 ans de détention dans une colonie pénitentiaire à l’encontre de Nadejda Bouïanova, pédiatre moscovite de 68 ans. Son crime ? Avoir qualifié la Russie de “pays agresseur” attaquant les civils ukrainiens et estimé que les soldats russes tués au front étaient des “cibles légitimes”, lors d’un échange avec la mère d’un de ses jeunes patients, compagne d’un militaire mort en Ukraine.
Dénoncée par son interlocutrice, la sexagénaire a été inculpée fin avril pour “diffusion de fausses informations” sur l’armée, un délit passible de lourdes peines depuis l’entrée en vigueur d’une loi liberticide votée au début du conflit. Licenciée dans la foulée, la médecin clame son innocence et dénonce un acharnement judiciaire motivé par la “haine ethnique”.
Le calvaire d’une pédiatre dévouée
Médecin pédiatre réputée et appréciée, Nadejda Bouïanova suivait depuis des années le fils de 7 ans d’Anastassia Akinchina, 34 ans. C’est cette dernière, dont le mari a été tué au front, qui a dénoncé la praticienne, relatant à la justice leur conversation privée. Un témoignage à charge appuyé par celui de l’enfant, décrit comme un “témoin clé” par les avocats de la défense, qui contestent sa présence lors de l’échange et l’absence d’enregistrement.
Une pétition de soutien rassemble plus de 6000 signatures
Émus par le sort de leur collègue, les confrères de Nadejda Bouïanova ont lancé une pétition en ligne pour réclamer sa libération. Ce texte, qui dénonce un procès politique inique, a déjà recueilli plus de 6000 signatures. Un vaste mouvement de soutien qui n’a pas empêché son licenciement, même si celui-ci a été par la suite annulé par un tribunal moscovite.
La traque des voix dissidentes s’intensifie en Russie
L’affaire Bouïanova s’inscrit dans un contexte de répression de plus en plus féroce de toute critique, même feutrée, de l’offensive russe en Ukraine. Selon des sources proches du dossier, les poursuites pour espionnage, trahison ou encore “extrémisme” explosent depuis février 2022, sur fond de délation et de paranoïa généralisées.
La répression vise tous ceux qui osent exprimer un avis divergent, que ce soit en public ou même en privé. C’est une véritable chape de plomb qui s’abat sur la société russe.
Un avocat russe sous couvert d’anonymat
Dans ce climat de terreur, les ONG de défense des droits humains tirent la sonnette d’alarme et dénoncent une “nouvelle ère” de persécution des opposants et des libres-penseurs. Un tournant autoritaire sans précédent depuis la chute de l’URSS, qui soulève l’indignation de la communauté internationale mais laisse peu d’espoir d’un changement à court terme en Russie.
Un procès emblématique d’une Russie aux abois
Pour de nombreux observateurs, le procès de Nadejda Bouïanova cristallise toutes les dérives du système Poutine, prêt à broyer des destins individuels pour faire taire toute voix dissonante. Une logique répressive qui trahit la fébrilité d’un régime acculé sur les plans militaire, économique et diplomatique.
En s’attaquant à une pédiatre respectée de tous pour quelques mots prononcés en privé, le pouvoir montre son vrai visage : celui d’une dictature aux abois, qui ne tolère plus la moindre critique.
Une source diplomatique occidentale à Moscou
Reste à savoir si ce énième procès absurde sera celui de trop pour une opinion publique russe qui commence à douter du bien-fondé de “l’opération militaire spéciale”. Ou si, comme tant d’autres avant elle, Nadejda Bouïanova sera broyée par l’implacable machine répressive du Kremlin. Réponse dans les prochaines semaines, à l’issue d’un procès qui s’annonce d’ores et déjà joué d’avance.