Imaginez une usine nichée au cœur de Saint-Étienne, où l’odeur du métal et du bois poli se mêle à deux siècles d’histoire industrielle. Verney-Carron, le dernier fabricant français d’armes de petit calibre, a traversé des tempêtes financières, mais une lueur d’espoir vient de s’allumer. Le tribunal de commerce a récemment décidé de confier sa reprise à un groupe français, marquant un tournant décisif pour ce fleuron national. Pourquoi cette décision est-elle si importante, et que signifie-t-elle pour l’avenir de l’industrie armurière française ?
Un Sauvetage Stratégique pour l’Industrie Française
La nouvelle est tombée comme un coup de tonnerre dans le monde de l’industrie française : le tribunal de commerce de Saint-Étienne a choisi le groupe Rivolier pour reprendre Verney-Carron, placé en redressement judiciaire depuis février. Ce choix, loin d’être anodin, reflète une volonté de préserver un savoir-faire unique et un patrimoine industriel stratégique. Mais pourquoi ce fabricant d’armes, créé en 1820, est-il si crucial pour la France ?
Verney-Carron : Une Histoire de Deux Siècles
Fondée il y a plus de 200 ans, cette manufacture stéphanoise incarne l’excellence de l’armurerie française. Longtemps reconnue pour ses fusils de chasse, elle s’est diversifiée dans les années 1990 avec l’invention du flash-ball, une arme défensive utilisée par les forces de l’ordre françaises. Ce produit emblématique, bien que controversé, a marqué une étape clé dans l’histoire de l’entreprise, lui permettant de se positionner sur le marché de la défense.
Malgré ce succès, Verney-Carron a connu des difficultés récentes. La perte de contrats avec le ministère de l’Intérieur, combinée à un recul des ventes de fusils de chasse, a fragilisé l’entreprise. En 2022, sa reprise par un petit groupe français n’a pas suffi à redresser la barre, conduisant à un placement en redressement judiciaire. Pourtant, cette situation critique a ouvert la voie à une nouvelle opportunité.
« C’est une décision qui nous honore et qui nous oblige », a déclaré le président de Rivolier, soulignant l’importance de préserver ce patrimoine industriel.
Pourquoi Rivolier ? Une Reprise Logique
Le choix de Rivolier comme repreneur n’est pas un hasard. Ce groupe familial, basé dans la Loire, est un acteur majeur de la distribution d’armes en France. Avec une connaissance approfondie des produits Verney-Carron, Rivolier était déjà un partenaire commercial de longue date. Le tribunal a mis en avant plusieurs raisons pour justifier cette décision :
- Expertise commerciale : Rivolier distribue déjà les armes de chasse et les flash-balls de Verney-Carron.
- Commandes en attente : Le groupe dispose de carnets de commandes conséquents, garantissant une relance rapide de la production.
- Préservation locale : Maintenir l’activité à Saint-Étienne était une priorité pour sauvegarder l’emploi et le savoir-faire régional.
En comparaison, l’offre concurrente d’un industriel belge, bien que solide, n’a pas convaincu le tribunal, qui a privilégié une solution française pour des raisons stratégiques. Cette décision reflète un attachement fort à la souveraineté industrielle, un sujet brûlant dans un contexte de tensions géopolitiques mondiales.
Un Partenariat Innovant avec une Touche Internationale
Pour mener à bien cette reprise, Rivolier s’est associé à un partenaire tchèque, formant une société commune où il détiendra 65 % des parts. Ce partenariat allie l’expertise locale à une vision internationale, en s’appuyant sur des acteurs établis dans l’industrie armurière européenne. Cette collaboration pourrait ouvrir de nouveaux marchés à Verney-Carron, tout en consolidant sa place dans l’écosystème français.
En parallèle, Rivolier diversifie ses activités. Le groupe est en train de prendre le contrôle d’un fabricant français de drones, un secteur en plein essor, notamment pour les applications militaires. Cette stratégie montre une volonté de se positionner comme un acteur polyvalent dans les industries de défense et de sécurité.
L’Impact sur l’Économie Locale
La reprise de Verney-Carron par Rivolier est une bouffée d’oxygène pour Saint-Étienne, une ville historiquement liée à l’industrie armurière. Sur les 67 salariés de l’entreprise, 55 conserveront leur emploi, un chiffre encourageant dans un contexte économique difficile. Cette décision a été saluée par les élus locaux, qui y voient une opportunité de revitaliser le tissu industriel de la région.
| Aspect | Impact |
|---|---|
| Emplois | 55 salariés conservés sur 67 |
| Économie locale | Renforcement du tissu industriel stéphanois |
| Savoir-faire | Préservation d’un patrimoine unique |
En préservant ces emplois, Rivolier contribue à maintenir une expertise rare, celle de la fabrication d’armes de petit calibre. Saint-Étienne, souvent surnommée la « capitale de l’arme », retrouve ainsi une partie de son lustre d’antan.
Les Défis à Venir pour Verney-Carron
Si la reprise est une bonne nouvelle, elle ne marque que le début d’un long chemin. Verney-Carron doit relever plusieurs défis pour assurer sa pérennité :
- Diversification : Trouver de nouveaux marchés pour compenser la perte des contrats de flash-balls.
- Innovation : Investir dans la recherche pour développer des armes adaptées aux besoins modernes.
- Compétitivité : Faire face à la concurrence internationale, notamment des fabricants américains et européens.
La récente orientation de l’entreprise vers les armes de guerre de petit calibre pourrait être une piste, mais elle nécessite des investissements conséquents. Rivolier, avec ses 131 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024, devra mobiliser des ressources importantes pour redonner à Verney-Carron sa place de leader.
Un Symbole de la Souveraineté Industrielle
La décision de confier Verney-Carron à un groupe français plutôt qu’à un acteur étranger n’est pas seulement économique : elle est aussi symbolique. Dans un monde où les industries stratégiques sont souvent rachetées par des géants internationaux, cette reprise illustre une volonté de préserver la souveraineté industrielle. Les armes, qu’elles soient destinées à la chasse ou à la défense, restent un domaine sensible, lié à la sécurité nationale.
« Préserver le patrimoine et les emplois dans un secteur stratégique est une priorité absolue », a souligné un représentant du tribunal.
Ce choix reflète une prise de conscience plus large : celle de l’importance de maintenir des industries clés en France. À l’heure où la relocalisation et la réindustrialisation sont des sujets brûlants, l’exemple de Verney-Carron pourrait inspirer d’autres secteurs.
Vers un Renouveau de l’Armurerie Française ?
L’histoire de Verney-Carron est loin d’être terminée. Avec le soutien de Rivolier, l’entreprise a une chance de se réinventer tout en restant fidèle à ses racines. La collaboration avec un partenaire tchèque pourrait également ouvrir la voie à des innovations, notamment dans les technologies de pointe comme les drones ou les systèmes d’armement connectés.
Pour les habitants de Saint-Étienne, cette reprise est plus qu’une transaction économique : c’est une question de fierté. La ville, marquée par son passé industriel, voit en Verney-Carron un symbole de résilience. Reste à savoir si cette nouvelle page permettra à l’entreprise de retrouver son éclat d’antan tout en s’adaptant aux défis du XXIe siècle.
Verney-Carron, c’est l’histoire d’une passion française pour l’artisanat et l’innovation, un héritage qui ne demande qu’à renaître.
En conclusion, la reprise de Verney-Carron par Rivolier est une lueur d’espoir pour l’industrie française. Elle illustre la capacité du pays à préserver ses fleurons, même dans des secteurs aussi spécifiques que l’armurerie. Alors que l’entreprise se prépare à écrire un nouveau chapitre, une question demeure : saura-t-elle relever les défis de la modernité tout en restant fidèle à son héritage ? L’avenir nous le dira.
