La récente décision du gouvernement kenyan de “rapatrier” quatre ressortissants turcs vers leur pays d’origine soulève une vive polémique. Amnesty International, qui qualifie ces individus de demandeurs d’asile, dénonce un “enlèvement” et alerte sur les risques considérables de violations des droits humains encourus par ces personnes en cas de refoulement vers la Turquie.
Un rapatriement qui passe mal auprès des défenseurs des droits humains
L’annonce faite lundi par les autorités kényanes de ce rapatriement effectué vendredi dernier a suscité la consternation chez Amnesty International. L’ONG de défense des droits humains avait déjà tiré la sonnette d’alarme samedi, condamnant l’« enlèvement » de ces individus dans la capitale Nairobi et rappelant que « les enlèvements et les renvois forcés vers les pays qu’ils ont fuis constituent une violation directe du principe de non-refoulement », un principe fondamental du droit international des réfugiés.
Selon des sources proches du dossier, les personnes concernées seraient Öztürk Uzun, Alparslan Tasçı et Hüseyin Yesilsu, bien que leurs identités n’aient pas été officiellement confirmées. Amnesty International appelle à leur « libération immédiate » et exprime de vives inquiétudes quant à la sécurité de l’ensemble des réfugiés et demandeurs d’asile présents sur le sol kenyan.
Le Kenya invoque ses bonnes relations avec la Turquie
De son côté, le gouvernement kenyan affirme avoir agi « à la demande du gouvernement de la Turquie », en raison des « solides relations historiques et stratégiques » qui unissent les deux pays. Les autorités kényanes assurent avoir obtenu de la Turquie « l’assurance […] que les quatre individus seront traités avec dignité, conformément au droit national et international ».
Mais ces garanties peinent à convaincre les organisations de défense des droits humains. La Turquie, dirigée d’une main de fer par Recep Tayyip Erdogan depuis deux décennies, a intensifié sa répression contre les voix dissidentes suite à la tentative de coup d’État de 2016. Purges massives, allégations de torture, musellement des médias critiques et des ONG… Les dérives autoritaires du régime turc sont régulièrement épinglées par les observateurs internationaux.
Des “réfugiés” ou des demandeurs d’asile ? Le statut qui change tout
Au cœur de cette controverse, la question du statut de ces quatre ressortissants turcs fait débat. Alors qu’Amnesty International les considère comme des demandeurs d’asile, le communiqué du gouvernement kenyan parle de “réfugiés”. Une différence sémantique lourde de conséquences, puisque les demandeurs d’asile bénéficient d’une protection spécifique pendant l’examen de leur dossier, en vertu du principe de non-refoulement.
En cas de refoulement, les individus “courraient un risque considérable de graves violations des droits humains”, alerte Amnesty International
Ce rapatriement express intervient dans un contexte de rapprochement entre le Kenya et la Turquie ces dernières années. Les deux pays ont notamment signé en 2021 un accord de coopération en matière de sécurité, suscitant des inquiétudes chez certains activistes qui redoutent que cela ne facilite les opérations des services de renseignement turcs sur le territoire kenyan.
Cette affaire, qui illustre la complexité et les enjeux souvent méconnus de la question des réfugiés et demandeurs d’asile, risque de ternir l’image du Kenya sur la scène internationale. Il appartiendra aux autorités de ce pays est-africain de clarifier rapidement les circonstances et la légalité de ce rapatriement, afin d’apaiser les craintes légitimes exprimées par les défenseurs des droits humains. La sécurité et le respect des droits fondamentaux de toutes les personnes en quête de protection sur son sol en dépendent.