Face à une démocratie en berne et une défiance record des Français envers les institutions, des voix s’élèvent pour proposer des pistes de réforme audacieuses. Dans une tribune publiée par Libération, dix-huit personnalités issues de divers horizons livrent leurs idées pour « réparer notre démocratie ». Des propositions parfois controversées qui ne manqueront pas de faire réagir, à l’heure où le débat fait rage sur l’avenir de notre modèle politique.
Des personnalités de tous bords s’emparent du débat
Constitutionnalistes, essayistes, militants associatifs, syndicalistes… C’est un panel éclectique qui s’exprime dans les colonnes de Libération pour tenter d’apporter des réponses à la crise démocratique. Parmi les signataires figurent notamment la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, le sociologue David Le Breton, l’essayiste Gaspard Koenig ou encore Sophie Binet, nouvelle patronne de la CGT. Des sensibilités diverses donc, mais un constat partagé : celui d’institutions à bout de souffle, qui ne sont « plus en mesure de répondre aux aspirations et aux colères des Français ».
Le droit de vote des étrangers, une proposition clivante
Parmi les pistes évoquées pour régénérer la démocratie, certaines ne manqueront pas de faire polémique. C’est le cas de la proposition d’étendre le droit de vote des étrangers à toutes les élections, formulée par l’avocat Raphaël Kempf. Une mesure à laquelle s’oppose farouchement la droite et l’extrême-droite, qui y voient une remise en cause de la souveraineté nationale. Mais pour ses partisans, il s’agit au contraire d’un acte d’ouverture et d’inclusion nécessaire.
Si les étrangers sont surreprésentés en prison, c’est en raison des discriminations, tant au stade de l’interpellation que du jugement.
Raphaël Kempf, avocat
Abroger le contrôle d’identité : une mesure forte
Autre proposition qui risque de cristalliser les oppositions : l’abrogation pure et simple du contrôle d’identité, défendue par la journaliste Douce Dibondo. Une mesure jugée indispensable pour lutter contre le profilage ethnique et les violences policières, mais qui inquiète ceux qui y voient un risque pour la sécurité. Pas question cependant de céder à « la tentation sécuritaire », insiste la journaliste, pour qui il est urgent de « rétablir la confiance entre la police et la population ».
Vers plus de mixité dans le sport ?
Preuve que le débat ne se cantonne pas aux seules questions institutionnelles, certains contributeurs formulent des propositions plus inattendues. Ainsi de la militante écologiste Camille Etienne, qui plaide pour la création d’équipes de football mixtes, afin de faire progresser l’égalité hommes-femmes jusque dans le sport. Une idée qui a le mérite d’interroger la persistance des stéréotypes de genre.
Et si on commençait par déconstruire la virilité, en imposant des équipes de foot mixtes ?
Camille Etienne, militante écologiste
Des pistes économiques et financières
D’autres propositions touchent à la sphère économique et financière. L’économiste Julia Cagé suggère ainsi de repenser le financement de la vie politique, jugé trop opaque et inégalitaire, quand la directrice de l’ONG Oxfam Cécile Duflot appelle à réguler davantage la finance pour mettre l’économie au service de l’intérêt général.
Un vaste chantier institutionnel
Plus largement, ce sont les institutions elles-mêmes qui sont appelées à se réinventer en profondeur. Pour “déverticaliser” le pouvoir et redonner du sens à l’engagement citoyen, différentes options sont sur la table :
- Renforcer le rôle du Parlement et des contre-pouvoirs
- Intégrer les citoyens aux processus de décision via des assemblées tirées au sort
- Instaurer un “49.3 citoyen” pour contrer des lois controversées
- Miser sur la démocratie locale et participative
Autant de pistes qui dessinent les contours d’une VIe République dont la génèse s’annonce longue et complexe. Car au delà de l’innovation institutionnelle, c’est un véritable changement de logiciel qui doit s’opérer, insistent les signataires, pour redonner aux Français foi en la démocratie et en la chose publique.
Un débat national à hauts risques
Mais ces propositions parfois radicales, formulées dans un contexte de tensions exacerbées, ne risquent-elles pas d’attiser davantage les antagonismes ? C’est la crainte de certains observateurs, qui redoutent que le débat ne s’enlise dans des controverses stériles. Il faudra donc de la pédagogie et du doigté aux signataires de cette tribune pour faire émerger un consensus sur des options forcément clivantes.
Une chose est sûre : cette initiative aura au moins eu le mérite de poser publiquement ces questions essentielles, à l’heure où la démocratie vacille. Des personnalités issues de la société civile ont pris leurs responsabilités en formulant des propositions concrètes. C’est désormais aux politiques de s’en saisir pour enclencher les réformes qui s’imposent. Un défi immense et périlleux, mais indispensable pour restaurer la confiance des Français dans leurs institutions.