C’est un signal d’alarme pour la parité en politique. Alors que la part de femmes à l’Assemblée nationale progressait élection après élection, atteignant un niveau record en 2017, elle vient de s’effondrer à l’issue des dernières législatives anticipées. Avec seulement 36% de députées élues, contre près de 39% cinq ans plus tôt, l’Assemblée connaît un retour en arrière sans précédent depuis des décennies en matière de représentation féminine. Un recul qui soulève des questions sur les ressorts de cette régression et l’état de l’égalité hommes-femmes dans la vie politique française.
Un scrutin historique à plus d’un titre
Organisées dans l’urgence suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, ces élections législatives anticipées resteront dans l’histoire. Non seulement parce qu’elles ont redessiné en profondeur le paysage politique, mais aussi parce qu’elles ont vu la part de femmes chuter à un niveau jamais vu depuis 1997 et l’adoption de la loi sur la parité. Avec 208 élues sur 577, les femmes ne représentent plus que 36% des députés, contre 37,3% dans l’Assemblée sortante et 38,8% dans celle élue en 2017, qui avait marqué un record historique.
Ce recul est d’autant plus frappant qu’il intervient après des décennies de progrès continus. Depuis les années 2000 et l’instauration de règles paritaires, la féminisation de l’Assemblée suivait une courbe ascendante, passant de 10,9% en 1997 à 38,8% en 2017. Une dynamique positive qui semblait partie pour se poursuivre, voire s’accélérer. Las, le dernier scrutin est venu briser net cet élan.
L’Assemblée à la traîne du Sénat
Autre renversement notable : pour la première fois depuis un demi-siècle, la chambre basse compte proportionnellement moins de femmes que la chambre haute. Avec 36,2% de sénatrices depuis le dernier renouvellement de 2023, le Sénat – longtemps à la traîne en matière de parité – devance désormais l’Assemblée dans la représentation des femmes. Un reflet du chemin parcouru par la chambre haute ces dernières années, mais surtout de la régression brutale enregistrée au Palais Bourbon au dernier scrutin.
Le recul de la part des femmes à l’Assemblée est un coup d’arrêt historique dans la marche vers la parité, qui interroge la solidité des progrès réalisés ces vingt dernières années.
Sandrine Lévêque, professeure en science politique
Des différences notables entre les partis
Si aucune formation n’atteint la parité parfaite, des écarts significatifs se font jour :
- La France Insoumise et le camp présidentiel frôlent les 45% de candidates investies
- Le RN et le PS avoisinent les 45%
- Les Républicains n’atteignent que 32,8% (hors “ciottistes” alliés au RN)
Des disparités qui se reflètent dans les taux de femmes élues :
- 40,4% pour le Nouveau Front Populaire (NFP)
- 40,2% dans le camp présidentiel
- 32,2% au RN et ses alliés
- 30,8% chez Les Républicains (LR)
Des femmes victimes de l’urgence ?
Pour expliquer ce repli, certains avancent le contexte particulier du scrutin, organisé dans l’urgence après une dissolution surprise. Pressés par le temps pour constituer leurs listes, les partis auraient privilégié des sortants – très majoritairement des hommes – au détriment de nouvelles têtes féminines. Un réflexe de prudence dans une campagne éclair où l’enjeu était de “sauver les meubles”.
Quelle que soit la part de vérité dans cette analyse, elle ne saurait occulter un mouvement de fond, celui d’un ralentissement, voire d’un plafonnement de la féminisation des assemblées politiques depuis plusieurs années. Un constat qui invite à réinterroger la solidité des progrès enregistrés depuis la loi sur la parité, et les mécanismes profonds qui continuent de faire obstacle à une représentation égale des femmes en politique.