En pleine visite du président Emmanuel Macron en Arabie saoudite, une nouvelle vient de tomber : le royaume va contribuer à hauteur de 50 millions d’euros à la rénovation du célèbre Centre Pompidou à Paris. Un financement colossal en échange d’accords de coopération culturelle entre les deux pays. Décryptage de ce partenariat aussi inattendu que stratégique.
Beaubourg bientôt sous pavillon saoudien ?
Le Centre Pompidou, aussi connu sous le nom de Beaubourg, est une icône de l’art moderne et contemporain au cœur de Paris. Inauguré en 1977, cet édifice avant-gardiste nécessite aujourd’hui une rénovation de fond en comble. Un chantier titanesque estimé à plus de 260 millions d’euros, entièrement à la charge de l’État français. Du moins, c’était le cas jusqu’à l’annonce surprise de ce généreux mécénat saoudien.
Mais cette manne providentielle a un prix. En échange de son soutien financier, l’Arabie saoudite obtient la signature de pas moins de neuf accords-cadres de coopération culturelle avec la France. Le royaume, qui accueillera l’Exposition universelle en 2030, compte bien profiter de l’expertise française pour développer son offre culturelle et augmenter son attractivité touristique.
Archéologie, musées, cinéma… Une coopération tous azimuts
Les domaines de coopération couverts par ces accords sont vastes : archéologie préventive, patrimoine, musées, cinéma, bibliothèques, ingénierie culturelle, formation des personnels saoudiens… La France s’engage à partager son savoir-faire à travers tout le territoire saoudien.
Cette collaboration n’est pas nouvelle. Dès 2018, les deux pays avaient signé un premier accord centré sur le site archéologique d’Al-Ula. Un partenariat qui impliquait déjà le Centre Pompidou, chargé d’apporter son expertise pour la création d’un musée d’art moderne dans la région.
Le jackpot pour le Centre Pompidou
Pour le Centre Pompidou, c’est une aubaine inespérée. Non seulement ces 50 millions d’euros vont considérablement alléger la facture des travaux prévus entre 2025 et 2030, mais ils ouvrent aussi de nouvelles perspectives pour l’avenir du musée.
D’après son président Laurent Le Bon, le Centre Pompidou a un projet muséal ambitieux pour l’après-2030, estimé à 180 millions d’euros. Une enveloppe qu’il compte financer grâce au mécénat, à la circulation des œuvres et à « l’association éventuelle d’un autre pays ». Avec l’Arabie saoudite comme partenaire privilégié, le musée tient peut-être sa poule aux œufs d’or.
Soft power et polémique en vue ?
Mais ce généreux coup de pouce saoudien ne risque-t-il pas de susciter la controverse ? Le royaume, régulièrement pointé du doigt pour ses manquements aux droits humains, utilise de plus en plus la culture comme vecteur de « soft power » pour redorer son image à l’international.
Certains pourraient voir dans ce partenariat une forme d’ingérence, voire une tentative de « saoudisation » du paysage culturel français. Le Centre Pompidou serait alors un cheval de Troie idéal pour diffuser l’influence saoudienne au cœur de Paris.
Mais pour l’heure, le gouvernement français préfère mettre en avant les retombées positives de cette coopération culturelle inédite. Une manière habile de faire passer la pilule d’une dépendance financière qui pourrait coûter cher à l’indépendance culturelle française.
Un pari risqué pour l’avenir de Beaubourg ?
Reste à savoir si ce pari saoudien sera gagnant pour le Centre Pompidou sur le long terme. Certes, les travaux de rénovation sont vitaux pour pérenniser ce joyau de l’art moderne. Mais à quel prix ? Celui d’une liberté de programmation artistique potentiellement compromise par les intérêts d’un mécène aussi généreux que controversé ?
Seul l’avenir nous dira si le Centre Pompidou a vendu son âme au royaume saoudien ou s’il a habilement joué la carte de la diplomatie culturelle pour assurer son rayonnement au XXIe siècle. Une chose est sûre : ce deal à 50 millions d’euros marque un tournant dans l’histoire du musée et de ses relations avec le Moyen-Orient.
Un tournant qui ne manquera pas de faire réagir le monde de l’art et de la culture, en France comme à l’international. Car au-delà de la rénovation d’un bâtiment iconique, c’est la question de l’indépendance des institutions culturelles face aux enjeux géopolitiques qui se pose avec acuité. Le Centre Pompidou sera-t-il le premier d’une longue liste de musées sous influence saoudienne ? Affaire à suivre…