Au cœur du Quartier Latin, un petit miracle vient de se produire. La Clef, dernier cinéma associatif de la capitale né dans la foulée de Mai 68, a échappé de justesse à une fermeture qui semblait inéluctable. Retour sur une lutte acharnée de six ans et les coulisses d’une renaissance inespérée pour ce haut lieu de la contre-culture parisienne.
Un cinéma pas comme les autres
Fondé en 1973 et niché rue Daubenton, La Clef s’est forgé au fil des décennies une solide réputation de cinéma militant et alternatif. A l’écart des circuits commerciaux et des blockbusters, sa programmation éclectique a toujours fait la part belle aux cinématographies méconnues, des réalisateurs africains, asiatiques ou sud-américains boudés par les multiplexes. La salle de 120 places est aussi réputée pour ses séances à prix libre, une pratique unique.
Six ans de lutte
Las, en 2018, le propriétaire des murs, un comité d’entreprise, décide de vendre. S’engage alors un long bras de fer pour la survie de La Clef. D’anciens salariés et des cinéphiles montent au créneau, avec le soutien de cinéastes renommés. Pétitions, manifestations, occupation des lieux : la mobilisation s’organise malgré les procédures d’expulsion. Même une tentative de reprise par un grand groupe associatif capote, les militants craignant une perte d’indépendance.
“L’histoire de La Clef doit être préservée d’autant plus précieusement qu’elle a été ramenée à la vie par des personnes qui se sont réunies pour l’amour du cinéma et la liberté qui en découle.”
Martin Scorsese, réalisateur, dans une tribune au journal Libération
Renaissance
Contre toute attente, la ténacité du collectif “La Clef Revival” finit par payer. Via une campagne de financement participatif et l’appui de mécènes prestigieux comme Quentin Tarantino, ils réunissent 2,7 millions d’euros, de quoi racheter les murs et assurer la pérennité des lieux. La Clef est sauvée.
Après une “ouverture éclair” fin juin, le cinéma va fermer pour d’importants travaux de rénovation. Sa réouverture complète est prévue à l’automne 2024. Les amoureux du 7ème art pourront à nouveau s’y presser pour des projections pas ordinaires, dans un esprit collaboratif unique.
“Ceux qui le souhaitent pourront rejoindre le collectif, apprendre à organiser une projection et proposer des films rares.”
Le collectif “La Clef Revival”
Le feuilleton de La Clef est un puissant symbole à l’heure où les salles indépendantes se raréfient, face à la pression immobilière et l’essor du streaming. Il prouve que la mobilisation citoyenne, couplée au soutien de grands noms, peut infléchir un destin en apparence scellé. Vivement la suite de cette belle aventure humaine et cinématographique !
