Chaque mois, des millions de Mexicains installés aux États-Unis envoient de l’argent à leurs familles restées au pays. Ces transferts, appelés remesas, sont une bouée de sauvetage pour des milliers de foyers, mais aussi un pilier de l’économie mexicaine. En 2024, pourtant, ces flux financiers ont chuté de manière significative, marquant un tournant préoccupant. Quelles sont les raisons de cette baisse, et quelles conséquences pourrait-elle avoir pour le Mexique et sa diaspora ?
Une Chute Inattendue des Remesas en 2024
En avril 2024, les envois d’argent des Mexicains vivant aux États-Unis ont diminué de 12% par rapport à l’année précédente, atteignant un total de 4,761 milliards de dollars. Cette baisse, signalée par la Banque centrale du Mexique, s’explique par une réduction du nombre de transactions (-8,1%) et une diminution de la valeur moyenne de chaque envoi (-4,4%). Ces chiffres contrastent avec l’importance historique des remesas, qui ont représenté 64,7 milliards de dollars sur l’ensemble de l’année 2024, soit environ 3,5% du PIB mexicain.
Les remesas ne sont pas seulement des chiffres sur un bilan économique. Elles permettent à des familles de couvrir des besoins essentiels : nourriture, éducation, soins médicaux. Leur diminution, même partielle, pourrait fragiliser des millions de foyers mexicains, particulièrement dans les régions rurales où ces fonds constituent souvent la principale source de revenus.
La Pression Anti-Migratoire : Un Facteur Clé
La baisse des remesas coïncide avec un durcissement des politiques migratoires aux États-Unis. Depuis le retour au pouvoir de l’administration actuelle en janvier 2025, les mesures anti-migratoires se sont intensifiées. Une campagne d’expulsions massives a été annoncée, visant particulièrement les migrants sans papiers, dont une grande partie est originaire du Mexique. Cette pression a créé un climat d’incertitude pour la diaspora mexicaine, réduisant leur capacité ou leur volonté d’envoyer de l’argent.
« Les gens ont peur. Ils gardent leur argent, craignant de perdre leur emploi ou d’être expulsés », explique un responsable d’une agence de transfert d’argent à New York.
Dans des quartiers comme Corona, dans le Queens, où vit une importante communauté latino-américaine, les commerces locaux ressentent déjà les effets. Les agences de transfert d’argent, les restaurants et les boutiques de vêtements rapportent une chute d’activité de 40 à 60%. Ce ralentissement économique local reflète une réalité plus large : la peur et l’instabilité affectent non seulement les migrants, mais aussi les réseaux économiques qui dépendent de leurs contributions.
Un Projet de Taxe Controversé
Un autre facteur aggravant est l’adoption par le Congrès américain d’un projet de taxe de 3,5% sur les remesas. Ce texte, en attente d’examen par le Sénat, suscite l’inquiétude au Mexique. Une telle mesure pourrait réduire encore davantage le montant net des fonds envoyés, affectant directement les familles bénéficiaires. Des sénateurs mexicains prévoient de se rendre à Washington pour plaider contre cette taxe, arguant qu’elle pénaliserait injustement les travailleurs migrants et leurs proches.
Pour mieux comprendre l’impact potentiel de cette taxe, examinons ses implications :
- Réduction des fonds disponibles : Une taxe de 3,5% pourrait représenter une perte de plusieurs centaines de dollars par an pour certaines familles.
- Effet dissuasif : Certains migrants pourraient limiter leurs envois pour éviter les frais supplémentaires.
- Impact économique local : Moins d’argent en circulation au Mexique pourrait freiner la consommation et les investissements dans les communautés rurales.
Ce projet intervient dans un contexte où les relations entre le Mexique et les États-Unis sont déjà tendues, notamment sur des questions comme la gestion des flux migratoires et le commerce bilatéral.
L’Importance des Remesas pour l’Économie Mexicaine
Les remesas jouent un rôle crucial dans l’économie mexicaine, surpassant parfois des secteurs comme le tourisme ou les exportations agricoles. En 2024, elles ont représenté 3,5% du PIB, un chiffre qui illustre leur poids économique. Plus de 95% de ces fonds proviennent des États-Unis, où vivent environ 12 millions de Mexicains, dont près de la moitié en situation irrégulière.
| Année | Montant des Remesas (milliards USD) | Part du PIB |
|---|---|---|
| 2022 | 58,5 | 3,2% |
| 2023 | 61,2 | 3,4% |
| 2024 | 64,7 | 3,5% |
Cette progression constante jusqu’en 2024 montre à quel point les remesas sont un moteur économique. Leur récente diminution pourrait donc avoir des répercussions significatives, non seulement pour les familles, mais aussi pour les petites entreprises et les investissements locaux.
Les Conséquences Sociales d’une Baisse des Envois
La diminution des remesas ne se limite pas à une question économique. Elle touche profondément le tissu social mexicain. Dans les régions les plus dépendantes de ces fonds, comme le Michoacán ou le Guerrero, les familles risquent de voir leur niveau de vie se dégrader. Les enfants pourraient être privés d’accès à l’éducation, et les soins médicaux pourraient devenir inabordables pour certains.
« Sans cet argent, je ne peux pas payer l’école de mes enfants. On vit au jour le jour », confie Maria, une mère de famille dans l’État de Jalisco.
En parallèle, la diaspora mexicaine aux États-Unis fait face à des défis croissants. La menace d’expulsions massives crée une insécurité constante, tandis que les restrictions économiques réduisent les opportunités de travail. Cette situation pourrait pousser certains migrants à rentrer au Mexique, où les perspectives d’emploi restent limitées.
Les Réponses du Mexique Face à la Crise
Le gouvernement mexicain, conscient des enjeux, cherche à réagir. Outre les démarches diplomatiques pour contrer la taxe sur les remesas, des initiatives locales visent à soutenir les communautés affectées. Par exemple, certains États mexicains développent des programmes pour encourager l’entrepreneuriat local, afin de compenser la perte de revenus provenant des envois d’argent.
Exemples d’initiatives locales :
- Subventions pour les PME : Aides financières pour les petites entreprises dans les zones rurales.
- Formations professionnelles : Programmes pour former les jeunes aux métiers en demande.
- Coopératives agricoles : Soutien aux agriculteurs pour diversifier leurs revenus.
Ces efforts, bien que prometteurs, mettront du temps à produire des résultats. En attendant, le Mexique doit naviguer dans un contexte économique et politique complexe, où les décisions prises à Washington ont des répercussions directes sur ses citoyens.
Un Contexte International Tendu
La baisse des remesas s’inscrit dans un cadre plus large de tensions entre le Mexique et les États-Unis. Outre les politiques migratoires, des différends sur le commerce et la gestion des ressources, comme l’eau des fleuves frontaliers, compliquent les relations bilatérales. Le Mexique, premier partenaire commercial des États-Unis, tente de tirer son épingle du jeu dans un climat d’incertitude économique mondiale.
Paradoxalement, cette situation pourrait offrir des opportunités. Certains analystes estiment que le Mexique pourrait gagner en compétitivité face à des pays comme la Chine ou le Vietnam, en attirant des investissements étrangers. Cependant, cela dépendra de la capacité du pays à stabiliser son économie interne et à rassurer les investisseurs.
Vers un Avenir Incertain
La chute des remesas en 2024 marque un tournant pour le Mexique. Alors que ces envois d’argent ont longtemps été une source de stabilité, leur diminution révèle la vulnérabilité de l’économie mexicaine face aux politiques migratoires américaines. Les familles, les commerces locaux et l’économie nationale dans son ensemble ressentent déjà les effets de ce changement.
Pour l’avenir, le Mexique devra trouver des moyens de diversifier ses sources de revenus et de renforcer son économie interne. En parallèle, la diaspora mexicaine aux États-Unis continuera de jouer un rôle clé, malgré les défis imposés par un climat politique hostile. La question reste ouverte : le Mexique parviendra-t-il à surmonter cette crise, ou la dépendance aux remesas deviendra-t-elle un fardeau trop lourd ?
Le Mexique face à un défi économique et humain : l’avenir des remesas reste incertain.
