Imaginez la scène : quatre filles sur la glace, casques baissés, lames qui crissent, et au bout de quatre week-ends de compétition à l’autre bout du monde, un rêve qui renaît après deux décennies d’attente. Le relais féminin français de short-track vient de décrocher sa qualification pour les Jeux Olympiques de Milan-Cortina 2026. Une première depuis Turin 2006. Un exploit qui mérite qu’on s’y arrête longuement.
Une qualification arrachée à la régularité
Le système de qualification olympique en short-track est impitoyable : seuls les huit meilleurs relais du World Tour décrochent leur place. Pas de passe-droit, pas de repêchage. Juste des points accumulés sur les trois meilleures performances parmi les quatre manches disputées.
Pour les Bleues, le parcours a été presque parfait. Sur les quatre étapes (deux à Montréal, une à Gdansk, une à Dordrecht), elles ont atteint trois fois la finale B – l’équivalent d’une 5e à 8e place mondiale – et n’ont chuté qu’une seule fois, en quarts lors de la deuxième étape canadienne. Résultat : 8e place mondiale et billet olympique en poche.
Cette régularité est d’autant plus impressionnante que la concurrence est féroce : Pays-Bas, Canada, Corée du Sud, Chine, États-Unis… Des nations qui alignent des athlètes capables de monter sur des podiums individuels. Arriver à se hisser parmi elles avec constance relève de l’exploit collectif.
Qui sont les héroïnes de cette renaissance ?
Quatre noms à retenir, quatre profils complémentaires qui forment aujourd’hui l’un des relais les plus solides d’Europe.
Bérénice Comby, la plus expérimentée, apporte la sérénité dans les moments chauds. Eva Grenouilloux, la puissance brute, capable de remonter un peloton en un tour. Aurélie Levêque, la technicienne, celle qui place les relais au millimètre. Et Cloé Ollivier, la plus jeune, déjà finaliste B en individuel sur 1500 m et qui incarne l’avenir.
Ensemble, elles ont bâti une véritable équipe où chacune connaît le rôle de l’autre sur le bout des patins. Un collectif qui a su transformer des individualités prometteuses en machine à performer.
Le fantôme de Turin 2006
Revenons vingt ans en arrière. À Turin, le relais français composé de Stéphanie Bouvier, Choi Min-kyung, Myrtille Gollin et Céline Lecompère avait terminé 6e mondial (2e de la finale B). C’était la dernière fois que la France alignait un relais féminin aux Jeux.
Depuis ? Des années de galère. Des générations sacrifiées. Des blessures (Tiffany Huot-Marchand et son terrible accident en 2022), des déceptions, des relais qui passent à côté des quotas pour un rien. Le short-track français semblait condamné à briller uniquement chez les hommes avec Thibaut Fauconnet, Quentin Fercoq ou Tristan Navarro.
Et puis, petit à petit, la nouvelle vague a grandi. Des filles qui ont vu les JO à la télé étant enfants et qui se sont dit : « Pourquoi pas nous ? »
Les chiffres qui racontent l’exploit
Pour bien mesurer la performance, voici les résultats bruts du World Tour :
- Montréal 1 : 3e finale B → 7e place
- Montréal 2 : éliminées en quarts
- Gdansk : 2e finale B → 6e place
- Dordrecht : 2e finale B → 6e place
Les trois meilleures performances comptabilisées : 7e + 6e + 6e. Juste de quoi devancer la Pologne et l’Allemagne et s’installer à la 8e place qualificative.
En clair : pas de coup d’éclat, mais une solidité à toute épreuve. Le genre de performance qui fait les grandes équipes olympiques.
Et maintenant ? Objectif Milan-Cortina
La qualification n’est qu’une étape. À partir de janvier 2026, le calendrier s’emballe :
- Championnats d’Europe à Tilburg (16-18 janvier)
- Jeux Olympiques de Milan-Cortina (6-22 février)
- Championnats du monde à Montréal (mi-mars)
À Tilburg, les Françaises viseront une médaille qui leur manque encore sur la scène continentale. Ce sera le dernier gros test avant les JO.
À Milan-Cortina, l’objectif réaliste ? Atteindre la finale A, chose que personne n’a faite depuis… 1994 ! Mais avec la dynamique actuelle, plus rien ne semble impossible.
Le short-track français sort de l’ombre
Cette qualification n’est pas un feu de paille. Elle s’inscrit dans une vraie reconstruction du short-track tricolore.
Chez les hommes, Quentin Fercoq continue de collectionner les finales et les médailles. Le relais mixte progresse (12e mondial). Et surtout, une génération dorée arrive : des juniors qui explosent les chronos et qui regarderont les JO à la maison… en se disant que 2030 sera pour eux.
Pour la première fois depuis longtemps, le short-track français n’est plus un sport confidentiel. Il redevient une discipline où l’on peut rêver en bleu.
Pourquoi cette qualification nous touche autant
Parce qu’elle raconte une histoire universelle : celle de la persévérance. Des filles qui ont continué à s’entraîner quand personne ne croyait plus au relais féminin. Qui ont encaissé les blessures, les défaites, les sélections ratées. Qui ont travaillé dans l’ombre pendant que d’autres sports captaient la lumière.
Et qui, un dimanche de novembre 2025 à Dordrecht, ont compris en voyant le classement final que tout ça n’avait pas été vain.
En février 2026, quatre Françaises fouleront la glace olympique italienne. Vingt ans après Turin. Avec le même rêve chevillé au corps : montrer au monde que la France du short-track est bel et bien revenue.
Et quelque part, dans un coin de la patinoire de Milan-Cortina, on verra peut-être briller les yeux de celles qui, en 2006, avaient porté le flambeau. Le relais se passe. Enfin.









