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Réinstaurer les courtes peines de prison pour endiguer la récidive ?

Le nouveau ministre de la Justice Gérald Darmanin veut tenter de réinstaurer les courtes peines de prison, supprimées depuis 40 ans, pour lutter contre le sentiment d'impunité et la récidive. Une mesure qui ne fait pas l'unanimité et soulève de nombreux défis...

Le nouveau garde des Sceaux Gérald Darmanin veut faire de la lutte contre la récidive une priorité, en remettant au goût du jour une vieille recette : les courtes peines de prison. Voici donc le programme pénal du ministre de la Justice, qui vise à restaurer le sens de la sanction, oubliée depuis 40 ans selon lui.

En rupture avec son prédécesseur qui restait prudent sur le sujet, Gérald Darmanin compte bien remettre les courtes peines au centre de l’arsenal judiciaire. Pour le ministre, il s’agit avant tout de combattre le sentiment d’impunité qui règne dans le pays. Un constat partagé très largement par les Français, de l’aveu même de François Bayrou.

Renouer avec la fonction punitive de la prison

Concrètement, le gouvernement veut réintroduire les peines de moins d’un an ferme, y compris pour de simples délits. L’objectif : sanctionner systématiquement les infractions, aussi mineures soient-elles, pour casser la spirale de la récidive. Cette vision punitive de la prison tranche avec les efforts de réinsertion et d’aménagement des peines menés ces dernières années.

Pourtant, cette idée n’est pas nouvelle. Elle est défendue de longue date par les syndicats de police et une partie de la droite. Mais jamais un ministre de la Justice ne l’avait endossée aussi clairement depuis la suppression des courtes peines en 1981.

Un défi logistique et humain pour l’administration pénitentiaire

Si l’exécutif maintient ce cap, cela représentera un véritable bouleversement pour la machine judiciaire et carcérale. Car de telles mesures supposent des moyens conséquents, que ce soit en termes d’infrastructures, de personnel ou de prise en charge des détenus.

Avec des prisons déjà surpeuplées, souvent vétustes et un taux d’encadrement insuffisant, le défi s’annonce immense. D’autant que l’effet des courtes peines sur la récidive reste très discuté parmi les experts. Beaucoup y voient même un facteur aggravant, les courtes incarcérations favorisant la désocialisation sans réelle possibilité de réinsertion.

Un virage sécuritaire qui divise

Au-delà des aspects pratiques, c’est un véritable changement de doctrine que Gérald Darmanin veut imposer. Fini l’emprisonnement comme ultime recours, place à l’incarcération comme réponse pénale de principe, y compris pour de simples vols ou dégradations. Un virage sécuritaire assumé qui rompt avec l’approche préventive et le recours aux alternatives à la détention.

Inutile de dire que ce projet suscite de vives critiques chez les professionnels de la justice et les défenseurs des droits humains. Beaucoup craignent une aggravation de la surpopulation carcérale et de la violence en détention. Sans parler du coût humain et budgétaire d’une telle politique.

La prison n’a jamais été une solution miracle contre la délinquance. Miser uniquement sur l’enfermement en espérant régler le problème de la récidive relève d’une vision simpliste et contre-productive.

– Un magistrat sous couvert d’anonymat

Malgré ces réserves, le ministre semble déterminé à aller jusqu’au bout, quitte à bousculer le monde judiciaire. Reste à savoir si l’opinion, attachée à un discours de fermeté, suivra lorsque les premiers effets de cette politique se feront sentir. Car si la promesse de sanctions systématiques peut séduire dans un premier temps, la perspective d’un engorgement accru des prisons et des tribunaux risque de refroidir les ardeurs.

Une expérience à haut risque

En définitive, le pari des courtes peines apparaît très incertain. Si l’objectif de responsabilisation des délinquants est louable, le risque est grand de transformer les prisons en simples lieux de stockage, sans réel effet sur la réinsertion. Un scénario catastrophe que les services pénitentiaires, déjà en surchauffe, redoutent plus que tout.

On peut également craindre un effet pervers sur les condamnations, les juges étant tentés de prononcer des peines symboliques mais inapplicables faute de place. Avec au final un sentiment d’impunité renforcé et une perte de crédibilité supplémentaire pour l’institution judiciaire.

Il faudra donc suivre de près les premiers pas de cette réforme à haut risque voulue par Gérald Darmanin. Si le diagnostic sur la nécessité de redonner du sens à la peine est partagé, le remède des courtes peines semble tout sauf anodin. Une expérience grandeur nature dont on mesurera les effets dans les mois et années à venir.

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