Imaginez-vous déambuler dans une rue autrefois animée, où les vitrines colorées et les terrasses bondées laissaient place à un chaos de gravats, de barrières métalliques et de panneaux de travaux. À Reims, ce cauchemar est devenu réalité pour les commerçants de la voie des Sacres, un axe emblématique reliant la basilique Saint-Remi à la cathédrale. Depuis septembre 2024, les travaux de modernisation, incluant l’installation de bus à haut niveau de service (BHNS), ont transformé cette artère en un chantier à ciel ouvert. Résultat ? Une chute vertigineuse de la fréquentation, des pertes financières colossales et, pour certains, la menace imminente d’une fermeture définitive. Plongeons dans cette crise qui secoue les commerçants rémois et leurs espoirs d’une solution.
Une Artère Vitale Paralysée par les Travaux
La voie des Sacres, longue de 2,5 km, n’est pas une simple rue. C’est un symbole, un trait d’union entre deux monuments historiques qui attirent touristes et habitants. Mais depuis l’automne 2024, les pelleteuses et les marteaux-piqueurs ont pris le dessus. Objectif : rénover cet axe tout en intégrant des bus à haut niveau de service, un projet ambitieux visant à fluidifier les transports en commun et à verdir la ville. Si l’idée séduit sur le papier, elle est un calvaire pour les 90 commerces bordant cet axe. Les trottoirs, parfois réduits à néant, et les routes fermées aux voitures découragent les clients. Les pertes ? Un million d’euros cumulés, selon les estimations des commerçants.
« Comment travailler quand des tas de terre bloquent l’entrée de votre boutique ? Nos clients ne viennent plus, c’est une catastrophe. »
Un commerçant local, gérant d’une boutique de vêtements
Pour certains, la situation est déjà critique. Un bar-tabac emblématique a fermé ses portes en avril 2025, après une chute de fréquentation de plus de 50 %. D’autres établissements, des boutiques de mode aux cafés, envisagent des licenciements ou des cessations d’activité. Ce tableau sombre illustre les conséquences concrètes des grands projets urbains sur les petites entreprises.
Des Commerçants Unis pour Survivre
Face à cette crise, les commerçants ne sont pas restés les bras croisés. Ils ont formé une association regroupant 90 enseignes, déterminée à faire entendre leur voix. Leur revendication est claire : ils exigent des indemnisations pour compenser leurs pertes. L’association a compilé des données détaillées, transmises à la mairie, prouvant une baisse drastique de leur chiffre d’affaires. Leur discours est ferme mais mesuré : ils ne demandent pas de faveurs, mais une reconnaissance de l’impact économique des travaux, qu’ils n’ont pas choisis.
Les chiffres clés de la crise :
- 1 million d’euros : pertes cumulées estimées.
- 90 commerces : membres de l’association.
- 50 % : chute moyenne de fréquentation dans certains établissements.
- Septembre 2024 : début des travaux.
- Fin 2025 : date prévue pour l’achèvement du chantier.
Le président de l’association, un commerçant expérimenté, incarne cette lutte. « Nous sommes au bord du gouffre, certains ont déjà déposé le bilan », explique-t-il avec gravité. Cette mobilisation collective montre une solidarité rare, mais aussi une urgence : sans aide rapide, beaucoup ne tiendront pas jusqu’à la fin des travaux, prévue pour le dernier trimestre 2025.
Un Précédent qui Donne de l’Espoir
Les commerçants ne partent pas de zéro. En 2008, un chantier similaire, celui du tramway rémois, avait déjà secoué les commerces locaux. À l’époque, une commission d’indemnisation avait été mise en place, débloquant près de 3 millions d’euros pour 350 dossiers validés. Ce précédent est une lueur d’espoir pour les commerçants actuels, qui s’appuient sur cette expérience pour exiger une réponse rapide. « À l’époque, les choses avaient été bien gérées. Pourquoi pas aujourd’hui ? » s’interroge un gérant de boutique, nostalgique de cette époque.
Cette comparaison met en lumière une question clé : pourquoi la mairie semble-t-elle traîner des pieds ? Lors d’un récent conseil municipal, le maire a promis d’examiner les chiffres d’affaires, mais a souligné que les données fournies par les commerçants étaient insuffisantes pour une analyse approfondie. Cette réponse, perçue comme évasive, a frustré les commerçants, qui espéraient un engagement plus ferme.
Les Défis de l’Indemnisation
Obtenir des indemnisations n’est pas une mince affaire. Les commerçants doivent prouver un préjudice anormal, c’est-à-dire une perte directement liée aux travaux et non à d’autres facteurs, comme une mauvaise gestion ou une conjoncture économique défavorable. Cela nécessite des bilans financiers détaillés, comparant les chiffres d’affaires avant et pendant le chantier. Or, selon la mairie, ces données manquent encore de précision, ce qui retarde le processus.
« On sait qu’une action en justice prendra du temps. On gagnera peut-être, mais pour certains, ce sera trop tard. »
Le président de l’association des commerçants
Les commerçants se retrouvent donc à un carrefour. Une action en justice, bien que tentante, risque de s’étirer sur des mois, voire des années. Pendant ce temps, les factures s’accumulent, et les clients restent absents. Cette incertitude pèse lourd sur les épaules des gérants, qui doivent jongler entre la gestion quotidienne et la défense de leurs droits.
Un Équilibre entre Modernisation et Survie Économique
Les travaux de la voie des Sacres ne sont pas un caprice. Ils s’inscrivent dans une vision plus large de développement durable et de modernisation urbaine. Les bus BHNS, par exemple, promettent de réduire les émissions de CO2 et d’améliorer la mobilité dans une ville où la voiture règne encore en maître. Mais à quel prix ? Les commerçants, bien qu’ils comprennent l’importance de ces projets, estiment être les victimes collatérales d’une ambition mal accompagnée.
Avantages des travaux | Inconvénients pour les commerçants |
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Modernisation de l’axe, attractivité touristique | Chute de fréquentation, pertes financières |
Réduction des émissions grâce aux BHNS | Accès difficile, fermetures d’établissements |
Amélioration des transports publics | Risque de dépôts de bilan |
Ce dilemme illustre une problématique universelle : comment concilier les impératifs de modernisation avec la survie des petites entreprises ? Les commerçants rémois ne s’opposent pas au progrès, mais ils demandent un accompagnement concret pour traverser cette tempête.
Vers une Solution Collective ?
La prochaine réunion des commerçants, prévue pour lundi, sera décisive. Ils devront choisir entre une négociation à l’amiable avec la mairie ou une action en justice, plus risquée mais potentiellement plus efficace à long terme. En parallèle, certains envisagent des initiatives créatives pour attirer les clients malgré les travaux : promotions, événements locaux ou campagnes de communication sur les réseaux sociaux.
La mairie, de son côté, semble ouverte au dialogue, mais ses contraintes budgétaires et administratives limitent sa marge de manœuvre. Une chose est sûre : la résolution de cette crise nécessitera un effort collectif, où chaque partie – commerçants, élus, habitants – devra faire un pas vers l’autre.
L’Avenir de la Voie des Sacres
À terme, la voie des Sacres pourrait redevenir un joyau de Reims, avec des transports modernes, des rues rénovées et une attractivité renforcée. Mais pour l’heure, les commerçants luttent pour leur survie. Leur combat dépasse les frontières rémoises : il pose la question de la prise en compte des petites entreprises dans les grands projets urbains. En attendant, les gravats continuent de s’amonceler, et les caisses de résonner dans le vide.
Et si la modernisation d’une ville passait aussi par la protection de ceux qui la font vivre ?
Les mois à venir seront cruciaux. Les commerçants rémois, portés par leur détermination et leur solidarité, espèrent une issue rapide. Mais une question demeure : la mairie saura-t-elle répondre à temps pour sauver ces commerces au bord du gouffre ? L’histoire de la voie des Sacres est loin d’être terminée.