Un cruel dilemme déchire actuellement les quelque 45 000 réfugiés syriens bénéficiant du statut de réfugié politique en France. Fuyant la guerre civile qui ravage leur pays depuis 2011, nombre d’entre eux rêvent aujourd’hui de retrouver leurs proches restés au pays, ne serait-ce que temporairement. Mais en remettant les pieds sur le sol syrien, ils s’exposent à perdre la précieuse protection que leur a accordée la France.
L’association Revivre tire la sonnette d’alarme
Face à ce dilemme cornélien, l’association Revivre, qui accueille et accompagne les réfugiés syriens en France depuis 2004, a tenu à alerter les autorités et l’opinion publique. Son président d’honneur Michel Morzière a ainsi déclaré lors d’une manifestation à Paris ce dimanche :
Certains ont besoin d’aller voir leur famille, ils n’ont pas embrassé leurs parents depuis plus de dix ans. Certains veulent avoir des nouvelles de proches disparus, voir les listes, ils ont hâte de repartir.
Michel Morzière, président d’honneur de l’association Revivre
Pourtant, comme le souligne M. Morzière, la loi est claire et implacable à ce sujet :
Si on s’en tient à la loi aujourd’hui, un réfugié qui retourne dans son pays d’origine après avoir demandé l’asile en France n’a plus droit à son statut quand il revient.
Michel Morzière
L’association demande donc un geste fort de la part du gouvernement français, sous la forme d’un « engagement moral et humaniste » qui garantirait aux réfugiés syriens de pouvoir se rendre en Syrie sans perdre leurs droits en France.
La chute du régime de Bachar el-Assad relance le débat
Cette demande intervient alors que la donne a radicalement changé en Syrie ces derniers mois. Le pouvoir de Bachar el-Assad, contre lequel s’étaient soulevés les Syriens en 2011, a finalement été renversé par une coalition de groupes rebelles à dominante islamiste. Cette nouvelle situation, bien qu’encore instable, incite de nombreux réfugiés à envisager un retour au pays.
Mais pour l’heure, plusieurs pays européens comme l’Allemagne, l’Autriche ou le Royaume-Uni, ont au contraire décidé de geler les demandes d’asile des Syriens suite à la chute du régime Assad. La France n’a pas encore pris officiellement position sur ce sujet sensible.
Plus d’une décennie de guerre et d’exil
Il faut dire que la guerre civile qui a ravagé la Syrie depuis 2011 a pris un terrible bilan humain, faisant plus d’un demi-million de morts et jetant des millions de Syriens sur les routes de l’exil. Le pays est aujourd’hui morcelé en différentes zones d’influence, avec différentes factions soutenues par des puissances étrangères.
Pour les réfugiés installés en France, la tentation est grande d’aller constater de leurs propres yeux la situation, de retrouver leur maison, leur ville, de s’enquérir du sort de leurs proches. Mais cela signifierait prendre le risque de tout perdre en cas de problème sur place ou de non retour. Un pari impossible pour beaucoup.
Un avenir incertain pour les réfugiés syriens
L’instabilité qui règne encore en Syrie et l’incertitude juridique en Europe placent les réfugiés syriens dans une position délicate. Beaucoup aimeraient croire en un retour apaisé et durable dans leur pays après tant d’années d’exil. Mais les stigmates de la guerre sont encore très présents et le chemin de la reconstruction sera long.
De son côté, la France va devoir rapidement clarifier sa position sur un éventuel droit au retour temporaire des réfugiés sans perte de leur statut. Une décision lourde de conséquences pour des milliers de destins syriens en quête de sens et d’espoir après avoir tout perdu. L’association Revivre espère une décision favorable et entend maintenir la pression en ce sens dans les semaines qui viennent.