Alors que la généralisation de la réforme du RSA, imposant 15 heures d’activité hebdomadaire aux bénéficiaires, est prévue pour début 2025, des associations tirent la sonnette d’alarme. Le Secours Catholique, Emmaüs, ATD Quart Monde et d’autres organisations publient ce lundi un rapport alertant sur les “dérives” de ce dispositif issu de la loi “Plein emploi”, actuellement expérimenté dans 47 départements français.
Une réforme touchant les plus précaires
Selon Sophie Rigard du Secours Catholique, cette réforme “concerne trop de personnes, parmi les plus pauvres”. Les associations appellent ainsi à “prendre le temps” d’observer les potentiels effets néfastes pointés dans leur étude conjointe avec Aequitaz et ATD Quart Monde, avant une généralisation précipitée.
Pour rappel, la loi de 2023 instaure des “contrats d’engagement” obligeant les allocataires du RSA à réaliser 15 heures hebdomadaires d’activité, un volume modulable selon les situations. En cas de manquement, ils s’exposent à des sanctions pouvant aller jusqu’à la suspension de leurs allocations.
Le spectre du travail gratuit
Parmi les dérives dénoncées, les associations pointent “le risque de glissement vers le travail gratuit“, éloignant les bénéficiaires de leur véritable “projet d’insertion”. Elles soulignent aussi les “effets de mise en concurrence avec des emplois publics comme privés”, potentiellement “contre-productifs en matière de création d’emplois” et susceptibles de “tirer le marché du travail vers le bas”.
On risque de s’éloigner de l’objectif initial d’accompagnement vers l’emploi pour basculer vers une logique de contrepartie obligatoire sous peine de sanctions.
Un responsable associatif
Près de 2 millions de foyers concernés
Cette réforme impacte les 1,82 million d’allocataires du RSA (soit 3,65 millions de personnes avec leurs familles), qui perçoivent entre 607€ pour une personne seule et 911€ pour un couple sans enfant chaque mois. Un montant versé par les CAF, souvent indispensable pour joindre les deux bouts.
Atteinte à l’autonomie et réalités contrastées
Au-delà, le rapport dénonce une atteinte à “l’autonomie” des bénéficiaires à travers ces contrats d’engagement renforcés. Il pointe notamment l’usage “d’algorithmes” pour orienter les allocataires et une “aggravation” des radiations. Surtout, il met en lumière les “réalités contrastées” en termes de retour à l’emploi, loin des promesses initiales.
Ce document se veut un “premier bilan”, non exhaustif, nourri des “retours de terrain” aussi bien des allocataires que des professionnels de l’insertion. Il devance l’évaluation officielle commandée par le gouvernement, attendue avant la fin de l’année.
Appel à la suspension de la généralisation
Face à ces inquiétudes, et soutenues par des syndicats comme la FSU ainsi que de nombreuses organisations, les associations réclament la “suspension” de la généralisation du dispositif programmée pour le 1er janvier 2025. Elles souhaitent une véritable concertation pour réorienter cette réforme vers un accompagnement plus respectueux et efficace des allocataires.
Cette prise de position marque une nouvelle étape dans les vifs débats suscités par la réforme du RSA. Alors que le gouvernement défend une logique de “droits et devoirs” pour favoriser le retour à l’emploi, les acteurs associatifs alertent sur les risques de précarisation accrue des plus fragiles. Un bras de fer qui promet de se poursuivre à l’approche de l’échéance de 2025.