Alors que la France insoumise milite pour une abrogation pure et simple de la réforme des retraites de 2023, le Parti socialiste opte lui pour une approche différente. Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a en effet évoqué l’idée d’une « suspension » de la loi le temps d’organiser une « conférence de financement pour l’avenir » du système de retraites. Une proposition qui soulève des interrogations sur le plan juridique.
Une « suspension » aux contours flous
Contrairement à une abrogation qui supprimerait purement et simplement les effets de la loi, la notion de « suspension » avancée par les socialistes apparaît plus nébuleuse d’un point de vue constitutionnel. Les juristes soulignent qu’une loi votée et promulguée ne peut être mise entre parenthèses sans fondement légal solide.
De plus, le caractère temporaire d’une telle mesure, le temps d’une conférence de financement, pose question. Que se passerait-il une fois les discussions terminées ? La loi serait-elle automatiquement réactivée ou soumise à un nouveau vote ?
Une manœuvre politique plus que juridique
Pour de nombreux observateurs, cette proposition de « suspension » relève avant tout du symbolique et du politique. Il s’agirait pour le PS de se démarquer de LFI et de son image clivante, tout en donnant des gages à son électorat opposé à la réforme.
En jouant la carte de la « suspension » et d’une conférence de financement, Olivier Faure cherche à apparaître comme une force de proposition raisonnable, ouverte au dialogue social. Une posture susceptible de parler à un électorat centriste attaché au compromis.
La suspension est un moyen de ne pas apparaître comme des jusqu’au-boutistes, tout en ne lâchant rien sur le fond.
Un député socialiste
Les écueils d’une conférence de financement
Si la tenue d’une conférence pour réfléchir à l’avenir du système de retraites semble faire consensus, son articulation avec une « suspension » de la loi soulève des difficultés. Comment mener des discussions sereines avec ce chantage en toile de fond ?
De plus, rien ne garantit qu’un compromis émerge de cette conférence, les positions des différents acteurs (gouvernement, syndicats, patronat) semblant difficilement conciliables sur ce sujet explosif. Le risque est grand de retrouver la situation initiale après des mois de palabres.
Un pari risqué pour les socialistes
En avançant cette proposition, Olivier Faure prend le risque de mécontenter à la fois les opposants radicaux à la réforme qui n’y verront qu’un recul, et les réformistes qui pourront dénoncer une posture politicienne.
De plus, les socialistes devront convaincre leurs partenaires de gauche du bien-fondé de cette stratégie, sous peine de se retrouver isolés. LFI a déjà fait savoir qu’elle n’accepterait rien de moins qu’une abrogation.
Nous ne rentrerons pas dans ce jeu de dupes. C’est l’abrogation ou rien !
Un cadre de La France insoumise
Un débat qui est loin d’être tranché
À l’heure où le gouvernement semble inflexible sur sa réforme, malgré une contestation sociale inédite, la proposition de « suspension » des socialistes a peu de chances d’aboutir. Mais elle a le mérite de relancer le débat sur l’avenir de notre système de retraites.
Une chose est sûre, ce dossier explosif est loin d’être refermé et continuera de peser sur la vie politique française dans les mois à venir, à commencer par les prochaines échéances électorales. Les socialistes jouent gros avec ce positionnement qui peut aussi bien leur permettre de se refaire une santé que de les fragiliser encore plus.
Seule certitude, la question des retraites demeurera au cœur des débats de société, tiraillée entre impératifs financiers, justice sociale et équilibres générationnels. Un casse-tête pour tous les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique.