Le métier d’infirmière est sur le point de connaître une véritable révolution. Mardi dernier, une proposition de loi visant à redéfinir en profondeur cette profession a été déposée, suscitant autant d’espoirs que d’interrogations parmi les 600 000 infirmiers et infirmières de France. Consultations, prescriptions de certains produits et examens, pose de diagnostics infirmiers… Les changements envisagés sont majeurs et pourraient bien bouleverser durablement le quotidien de ces professionnels de santé indispensables à notre système de soins.
Vers de nouvelles compétences pour les infirmières
Au cœur de cette réforme, on trouve l’attribution de missions et responsabilités élargies aux infirmières. Le texte de loi liste ainsi quatre grandes familles de tâches :
- La réalisation de soins curatifs, préventifs, palliatifs et de surveillance clinique
- Le suivi du parcours de santé des patients
- La prévention et l’éducation à la santé
- La participation à la formation des pairs
Mais la proposition de loi va plus loin en introduisant deux notions jusqu’ici réservées aux médecins : la consultation infirmière et le diagnostic infirmier. Des évolutions majeures qui témoignent de la volonté de reconnaître pleinement l’expertise et les compétences de ces professionnels de premier plan.
La prescription infirmière au cœur des débats
Autre point clé du texte : la possibilité pour les infirmières de prescrire certains produits de santé et examens complémentaires nécessaires à leur exercice. Une avancée réclamée de longue date par la profession, mais qui suscite d’ores et déjà l’inquiétude d’une partie du corps médical, craignant un empiètement sur leurs prérogatives.
Il ne s’agit pas de remplacer les médecins, mais bien de travailler en complémentarité, en valorisant les compétences de chacun.
explique un représentant syndical infirmier
Les modalités précises de ces prescriptions (liste des produits et examens concernés) devront être fixées par arrêté ministériel, après avis de l’Académie nationale de médecine. Un exercice d’équilibriste qui promet d’intenses tractations dans les mois à venir.
La pratique avancée infirmière aussi concernée
La proposition de loi s’intéresse également à la pratique avancée, ce nouveau champ de compétences ouvert en 2018 aux infirmières titulaires d’un diplôme de master spécialisé. Le texte propose d’ouvrir trois nouveaux domaines d’exercice à ces super-infirmières :
- Les services de protection maternelle et infantile (PMI)
- La santé scolaire
- L’aide sociale à l’enfance
Une façon de renforcer encore leur rôle dans la prise en charge des publics fragiles et la coordination des parcours de soins. C’est une belle reconnaissance de notre engagement au quotidien
, se félicite une infirmière en pratique avancée.
Une réforme attendue, mais sous haute surveillance
Pour l’heure, le calendrier précis d’examen du texte n’est pas encore connu. Mais une chose est sûre : son parcours parlementaire sera scruté de près, aussi bien par les organisations d’infirmières, globalement favorables à la réforme, que par les syndicats de médecins, sur la réserve.
Au-delà des inévitables débats corporatistes, cette proposition de loi a le mérite de s’attaquer frontalement aux défis majeurs que doit relever notre système de santé : explosion des maladies chroniques, vieillissement de la population, creusement des inégalités territoriales… Autant de problématiques auxquelles les infirmières, fortes de leurs savoirs et de leur engagement, ont vocation à apporter des réponses concrètes.
Il est temps de libérer les compétences infirmières pour construire le système de santé de demain, plus collaboratif, plus efficient, plus humain.
martèle un député porteur du texte
Reste à savoir si la représentation nationale aura le courage et la clairvoyance d’aller au bout de cette ambition. Les prochains mois s’annoncent en tout cas décisifs pour bâtir un nouvel équilibre entre les professionnels de santé. Avec, à la clé, l’espoir d’une meilleure prise en charge pour tous les Français.
Alors, simple toilettage cosmétique ou véritable big bang des professions de santé ? Réponse dans les prochains mois, au fil des débats parlementaires qui ne manqueront pas d’être enflammés. Une chose est sûre : du résultat de ces arbitrages dépendra, pour une large part, notre capacité collective à repenser notre système de santé pour le rendre plus juste, plus efficace et surtout plus humain. Un immense défi, à la hauteur des attentes et de l’engagement de nos 600 000 infirmiers et infirmières.
