Les relations entre la France et l’Algérie traversent une zone de turbulences. Récemment, le ministre français des Armées Sébastien Lecornu a appelé de ses vœux une refondation de cette relation bilatérale, estimant que la situation actuelle n’était plus tenable. Il a notamment déploré ce qu’il a qualifié de « dérives du gouvernement algérien ».
Un écrivain franco-algérien incarcéré
Le ministre Lecornu a tenu ces propos dans un contexte particulier, quelques jours après l’incarcération en Algérie de l’écrivain franco-algérien renommé Boualem Sansal. Ce dernier est accusé par les autorités algériennes d’atteinte à la sûreté de l’État. Une situation que la France observe avec « compassion et empathie » selon le ministre, y voyant un symptôme des dérives actuelles à Alger.
Pour Sébastien Lecornu, l’hostilité envers la France serait devenue en Algérie un outil de politique intérieure, une « rente » sur laquelle s’appuierait le pouvoir. Une dérive dangereuse et contre-productive selon lui, notamment dans des dossiers cruciaux comme la lutte contre le terrorisme au Sahel, où les deux pays ont des intérêts convergents.
Autonomie du Sahara occidental et influenceurs arrêtés
Les relations franco-algériennes se sont nettement dégradées depuis l’été dernier, lorsque Paris a annoncé soutenir le plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental. Cette ancienne colonie espagnole est revendiquée par le Maroc mais aussi par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par Alger. Un dossier très sensible qui empoisonne les relations dans la région.
Plus récemment, l’arrestation en France de plusieurs influenceurs algériens accusés d’apologie de la violence a encore ajouté aux tensions. Malgré tout, Paris dit rester ouvert au dialogue. Le ministre des Affaires étrangères s’est ainsi dit prêt à se rendre à Alger pour aborder tous les sujets, estimant qu’une tension durable n’était dans l’intérêt d’aucun des deux pays.
Appel à une refondation « sans faiblesse ni naïveté »
Mais pour l’heure, force est de constater que la relation bilatérale est « en panne » pour reprendre les mots du ministre Lecornu. D’où son appel à une refondation en profondeur, qui devra se faire « sans faiblesse » côté français mais aussi « sans naïveté ». Un chantier diplomatique de taille en perspective, pour tenter de renouer les fils distendus du dialogue entre deux pays que lie une histoire complexe et souvent douloureuse.
Il faudra sans doute du temps et une réelle volonté politique des deux côtés pour apaiser les tensions et rebâtir une relation de confiance. Mais l’enjeu en vaut la peine, tant les défis communs sont nombreux, de la lutte contre le terrorisme aux équilibres géostratégiques en Méditerranée et en Afrique. France et Algérie ont intérêt à se parler et à coopérer, mais sur des bases clarifiées. Un défi pour la diplomatie des deux pays.
On est dans une panne et il faut qu’on arrive à refonder cette relation, sans faiblesse, sans naïveté.
Sébastien Lecornu, ministre français des Armées
Malgré ces tensions, des voix continuent de part et d’autre à plaider pour le dialogue et l’apaisement. Car au-delà des brouilles politiques et des déclarations intempestives, France et Algérie restent liées par une communauté de destin. Les ponts ne sont pas rompus, comme en témoigne la vivacité des échanges humains, culturels et économiques entre les deux rives de la Méditerranée.
Plutôt qu’une escalade verbale, beaucoup appellent à un examen lucide et apaisé des différends, loin des surenchères et des postures. Un travail de longue haleine mais nécessaire, pour que cette relation si particulière entre dans une nouvelle ère. Les peuples français et algérien, par-delà les soubresauts de l’histoire et de la politique, ne demandent sans doute pas autre chose.