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Référendum Guinéen : Tensions et Boycott de l’Opposition

La Guinée vote pour une nouvelle Constitution sous haute tension. L'opposition boycotte, dénonçant une mascarade. Quels enjeux pour l'avenir du pays ?

Dimanche, les rues de Conakry vibrent d’une énergie particulière. Près de 6,7 millions de Guinéens sont appelés à voter pour un projet de Constitution qui pourrait redessiner l’avenir politique du pays. Mais derrière ce scrutin, une fracture profonde divise la nation : d’un côté, une junte militaire déterminée à imposer sa vision ; de l’autre, une opposition qui crie au scandale et appelle au boycott. Que signifie ce référendum pour la Guinée, un pays riche en ressources mais marqué par des décennies de troubles politiques ?

Un Référendum sous Haute Tension

Ce scrutin, attendu depuis des années, marque une étape décisive pour la Guinée, un pays où les coups d’État et les régimes autoritaires ont jalonné l’histoire. Depuis que le général Mamadi Doumbouya a pris le pouvoir en 2021 en renversant le président Alpha Condé, la nation est en quête d’un retour à l’ordre constitutionnel. Ce référendum, prévu de 8h00 à 18h00, est censé poser les bases d’une nouvelle ère. Mais les conditions dans lesquelles il se déroule soulèvent de nombreuses questions.

Le projet de Constitution, s’il est adopté, remplacera la Charte de la transition, un texte instauré par la junte après le coup d’État. Cette charte interdisait aux membres de la junte de se présenter à de futures élections. Or, cette interdiction a disparu du nouveau texte, ouvrant la voie à une possible candidature de Doumbouya à la présidence. Une décision qui cristallise les tensions.

Une Campagne à Sens Unique

La campagne pour le « oui » au référendum a été omniprésente. Affiches à l’effigie de Mamadi Doumbouya, rassemblements festifs et fanfares ont rythmé les semaines précédant le vote. À l’inverse, la campagne pour le « non » s’est faite discrète, presque clandestine. Essentiellement relayée sur les réseaux sociaux par des opposants en exil, elle a eu peu d’écho dans un pays où la liberté d’expression est sous pression.

La Guinée aspire à une dynamique de changement, de rassemblement.

Amadou Oury Bah, Premier ministre

Malgré les promesses d’unité, l’opposition dénonce une mascarade électorale. Pour elle, les résultats sont joués d’avance, et le référendum ne sert qu’à légitimer la mainmise de la junte sur le pouvoir. Cette fracture entre les autorités et les opposants reflète un climat de méfiance généralisée.

Un Contexte de Répression

Depuis l’arrivée des militaires au pouvoir, la Guinée vit sous une chape de plomb. Plusieurs partis politiques et médias ont été suspendus, les manifestations sont interdites depuis 2022, et les voix dissidentes sont sévèrement réprimées. Des opposants ont été arrêtés, condamnés ou forcés à l’exil. Les défenseurs des droits humains rapportent une multiplication des disparitions forcées et des enlèvements.

Le 23 août, deux des principaux partis d’opposition ont été suspendus pour trois mois, une décision perçue comme une tentative de museler toute contestation avant le référendum. Dans ce contexte, l’appel au boycott lancé par l’opposition prend tout son sens : pour elle, participer au vote reviendrait à cautionner un processus biaisé.

Quelques chiffres clés du référendum :

  • 6,7 millions d’électeurs inscrits
  • 45 000 agents de sécurité déployés
  • 1 000 véhicules mobilisés, dont des blindés
  • 8h00-18h00 : horaires du scrutin

Les Enjeux de la Nouvelle Constitution

Le projet de Constitution propose plusieurs changements majeurs. Parmi eux, la création d’une Haute Cour de justice pour juger les présidents et membres du gouvernement, une mesure visant à lutter contre l’impunité. Un Sénat est également prévu pour équilibrer les pouvoirs, et un quota d’au moins 30 % de femmes aux postes décisionnels et électifs est instauré, une avancée saluée par certains observateurs.

Cependant, certaines dispositions suscitent la controverse. Le texte exige que les candidats à la présidence aient entre 40 et 80 ans et résident principalement en Guinée. Ces critères excluent de facto deux figures majeures de l’opposition : Alpha Condé, 87 ans, exilé à Istanbul, et Cellou Dalein Diallo, 73 ans, vivant entre Dakar et Abidjan. Pour beaucoup, ces restrictions sont une manœuvre pour écarter les adversaires politiques de Doumbouya.

Une Sécurité Renforcée pour un Scrutin Sensible

Pour garantir le bon déroulement du vote, les autorités ont déployé un dispositif sécuritaire impressionnant. Pas moins de 45 000 agents des forces de défense et de sécurité, appuyés par un millier de véhicules et des hélicoptères de combat, sont mobilisés. Cette présence massive des forces de l’ordre illustre l’importance accordée à ce scrutin, mais aussi la crainte de débordements dans un pays où les tensions politiques peuvent rapidement dégénérer.

La Guinée, bien que riche en ressources naturelles comme la bauxite, reste l’un des pays les plus pauvres du monde. Les espoirs d’un retour à la stabilité et d’une gouvernance plus inclusive reposent en partie sur ce référendum. Mais les conditions dans lesquelles il se déroule jettent une ombre sur sa légitimité.

Une Opposition Marginalisée

L’opposition, affaiblie par la répression, peine à faire entendre sa voix. En exil ou réduits au silence, ses leaders appellent les Guinéens à rester chez eux, refusant de participer à ce qu’ils qualifient de parodie démocratique. Ce boycott, s’il est suivi, pourrait réduire la participation et remettre en question la représentativité du scrutin.

Dans un message publié sur les réseaux sociaux, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme a appelé les autorités à garantir un référendum calme et transparent. Il a également exprimé ses inquiétudes face à la suspension récente de partis et de médias, pointant du doigt un manque d’inclusivité.

La récente suspension de partis politiques et de médias soulève de graves questions concernant l’inclusivité et la participation libre de tous.

Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme

Un Pays sous le Regard International

La communauté internationale observe ce scrutin avec attention. La Guinée est suspendue par l’Union africaine depuis le coup d’État de 2021, et elle est exclue des réunions de la Cedeao, qui a néanmoins envoyé une mission d’observation dans le pays. Ces organisations régionales espèrent un retour rapide à l’ordre constitutionnel, mais les restrictions imposées à l’opposition et les tensions entourant le référendum compliquent la situation.

Les engagements initiaux de la junte, qui promettait de rendre le pouvoir aux civils avant fin 2024, semblent désormais incertains. Si des élections présidentielle et législatives sont annoncées pour bientôt, aucune date précise n’a été fixée, alimentant les spéculations sur les intentions réelles de Mamadi Doumbouya.

Vers un Avenir Incertain

Ce référendum, censé marquer un tournant vers la stabilité, risque au contraire d’approfondir les divisions. Entre une junte déterminée à consolider son pouvoir et une opposition marginalisée, la Guinée se trouve à un carrefour. Les résultats, attendus à partir de mardi soir, seront scrutés de près, tant par les Guinéens que par la communauté internationale.

Pour les habitants, las des crises politiques à répétition, ce scrutin représente à la fois un espoir et une source d’inquiétude. La richesse du sous-sol guinéen contraste cruellement avec la pauvreté de la population, et beaucoup aspirent à une gouvernance plus équitable. Mais dans un climat de répression et de méfiance, la route vers la démocratie semble encore longue.

Les principaux enjeux du référendum :

  • Retour à l’ordre constitutionnel : Une étape clé pour la stabilité.
  • Candidature de la junte : Suppression de l’interdiction pour Doumbouya.
  • Exclusion de l’opposition : Restrictions sur l’âge et la résidence.
  • Représentation féminine : Quota de 30 % pour les femmes.
  • Sécurité renforcée : Un dispositif massif pour éviter les troubles.

En attendant les résultats, une question demeure : ce référendum sera-t-il un pas vers la réconciliation nationale ou une nouvelle source de tensions ? La réponse dépendra non seulement du vote, mais aussi de la capacité des autorités à restaurer la confiance dans un pays profondément divisé.

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