Alors que le gouvernement prépare son nouveau plan national d’adaptation au changement climatique, un rapport de Météo France vient confirmer les craintes des scientifiques. Selon ce document, qui compile les dernières données et modélisations climatiques, la France pourrait connaître un réchauffement de 4°C d’ici la fin du siècle par rapport à l’ère pré-industrielle. Un scénario préoccupant qui laisse entrevoir des changements profonds pour notre pays dans les décennies à venir.
Un réchauffement de 4°C en France : une trajectoire probable
La trajectoire d’un réchauffement de 4°C en France n’est pas choisie au hasard. Comme l’explique Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint à la direction de la climatologie et des services climatiques de Météo-France, elle se base sur les engagements actuels de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris par l’ensemble des pays. Malgré quelques avancées, ces engagements restent insuffisants pour contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2°C, comme le prévoit l’Accord de Paris.
Concrètement, cela signifie que si les politiques actuelles sont maintenues, le climat de la France à la fin du siècle sera en moyenne 4°C plus chaud qu’au milieu du 19ème siècle. Un réchauffement spectaculaire, bien plus rapide que tout ce que la Terre a connu depuis des milliers d’années. Des étés caniculaires comme ceux de 2003 ou 2022 deviendraient alors la norme, tandis que les années « fraîches » ressembleraient aux années les plus chaudes du climat actuel.
Des étés à plus de 50°C dans le Sud
Selon les projections de Météo France, les températures estivales pourraient grimper jusqu’à 50°C dans le Sud-Est et en Corse lors des années les plus torrides. La barre symbolique des 50°C, qui n’a encore jamais été atteinte en France métropolitaine, serait régulièrement franchie dans les régions méditerranéennes.
À l’échelle nationale, le nombre de journées de forte chaleur (températures maximales supérieures à 35°C) serait multiplié par 5 à 10 par rapport à la période 1976-2005. Les vagues de chaleur, à la fois plus intenses, plus longues et plus fréquentes, deviendraient un risque majeur pour la santé publique, en particulier pour les personnes vulnérables comme les personnes âgées ou les nourrissons.
Des sécheresses et des pénuries d’eau généralisées
À l’inverse, les précipitations diminueraient sensiblement, en particulier dans le Sud du pays. La France connaîtrait des sécheresses plus intenses et plus longues, mettant en péril les ressources en eau. Déjà sous tension, le niveau des cours d’eau et des nappes phréatiques baisserait drastiquement, causant des pénuries et des conflits d’usage entre les besoins de l’agriculture, de l’industrie et de la consommation humaine.
À l’horizon 2100, des territoires entiers pourraient être confrontés à un manque d’eau chronique et devoir s’adapter à une raréfaction de la ressource, en modifiant en profondeur leurs pratiques et leurs modes de vie.
Jean-Michel Soubeyroux, Météo France
Des événements extrêmes plus fréquents et dévastateurs
Outre les sécheresses et les vagues de chaleur, la France devra composer avec une intensification des événements météorologiques et climatiques extrêmes :
- Des pluies diluviennes et des inondations plus dévastatrices, à l’image des inondations meurtrières dans les Alpes-Maritimes en 2015 et 2020
- Des tempêtes plus violentes, comme les tempêtes Lothar en 1999 ou Xynthia en 2010, avec des vents extrêmes et des submersions marines
- Des feux de forêt plus étendus et plus intenses, favorisés par la sécheresse et la chaleur, qui menaceront les zones forestières du Sud mais aussi d’autres régions comme la Bretagne ou les Landes
Pour les scientifiques de Météo France, il ne fait aucun doute que les catastrophes naturelles seront plus fréquentes et plus coûteuses dans un climat à +4°C. Les dommages pourraient se chiffrer en dizaines de milliards d’euros chaque année, sans compter le lourd tribut humain.
Des impacts en cascade sur l’agriculture, la santé et la biodiversité
Au-delà des événements extrêmes, c’est l’ensemble des secteurs qui seront impactés par ce réchauffement de grande ampleur :
- L’agriculture devra composer avec des baisses de rendements pour de nombreuses cultures (blé, maïs, fruits), la raréfaction de l’eau pour l’irrigation, l’apparition de nouveaux ravageurs…
- La santé publique sera mise à rude épreuve avec la multiplication des canicules meurtrières, l’émergence ou l’extension de maladies vectorielles (dengue, chikungunya…), la dégradation de la qualité de l’air…
- La biodiversité subira le contrecoup du réchauffement avec des extinctions massives d’espèces incapables de s’adapter, le dépérissement des forêts, la modification profonde des écosystèmes terrestres et marins…
À bien des égards, un monde à +4°C aura peu de choses à voir avec le monde actuel. C’est un profond bouleversement, rapide et brutal, auquel nos sociétés devront faire face en l’espace de quelques décennies. Un défi immense qui nécessitera une adaptation de grande envergure dans tous les domaines.
Un avenir climatique encore évitable ?
Le scénario d’un réchauffement de 4°C en France n’est heureusement pas une fatalité. Comme le soulignent les experts de Météo France, il est encore possible d’infléchir cette trajectoire en accélérant drastiquement la réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. Chaque dixième de degré compte pour limiter les impacts du dérèglement climatique.
Mais cela nécessite des transformations rapides et profondes de nos modes de production et de consommation d’énergie, de nos transports, de notre alimentation, de notre utilisation des sols… Un véritable changement de paradigme guidé par la sobriété et la résilience. La tâche est immense mais elle est à notre portée, à condition d’agir vite et fort.
Le plan national d’adaptation au changement climatique, actuellement en consultation, devra en tout cas intégrer ce scénario du pire pour ne pas sous-estimer les risques. Car selon les climatologues, même si nous parvenons à limiter le réchauffement à 2°C comme le prévoit l’Accord de Paris, les impacts seront déjà conséquents pour notre pays. L’adaptation n’est donc plus une option mais une obligation, en parallèle des efforts d’atténuation.
Une chose est sûre : le temps presse pour se préparer à affronter le climat du futur et tenter de le rendre le moins hostile possible. Les choix que nous ferons dans les prochaines années engageront le visage de la France pour des générations. Un immense défi mais aussi une opportunité de repenser nos territoires et nos modes de vie de façon plus juste et plus durable.