Lors d’un meeting à Kisangani ce mercredi, le président de la République Démocratique du Congo Félix Tshisekedi a annoncé son intention de réformer en profondeur la constitution du pays. Jugeant l’actuelle loi fondamentale “pas bonne” et “élaborée à l’étranger par des étrangers”, il a promis la mise en place dès l’an prochain d’une commission nationale chargée de rédiger un nouveau texte “adapté aux réalités congolaises”.
Une Constitution “Dépassée” selon Tshisekedi
Au cours des derniers mois, à l’occasion de déplacements sur la scène internationale, le chef de l’État avait déjà évoqué à plusieurs reprises le besoin de réformer une constitution qu’il juge “dépassée” et qui “handicape le fonctionnement du pays”. Réélu largement en décembre 2023 pour un second mandat, Félix Tshisekedi semble désormais déterminé à passer à l’action.
Devant la foule rassemblée à Kisangani, il a rappelé que la loi fondamentale actuelle datait de 2006 et avait été “élaborée sur la base des habitudes de peuples étrangers”. Pour lui, il est grand temps de la remplacer par un texte qui corresponde mieux “aux réalités du peuple congolais”.
Une Commission Nationale dès 2025
Le président a donc annoncé qu’il allait “désigner une commission nationale chargée d’élaborer une constitution adaptée aux réalités congolaises dès l’année prochaine”. Cette déclaration n’a cependant pas suscité l’enthousiasme espéré dans le public, plus enclin à applaudir les appels à l’unité entre communautés lancés un peu plus tôt dans le discours.
L’Opposition met en Garde contre un “Passage en Force”
Du côté de l’opposition, qui conteste toujours les résultats de la dernière élection présidentielle, c’est surtout l’inquiétude qui domine. Beaucoup craignent en effet que cette réforme constitutionnelle ne soit en réalité un moyen pour Félix Tshisekedi de s’accrocher au pouvoir au-delà du nombre de mandats actuellement autorisé.
Pour modifier la disposition limitant le nombre de mandats présidentiels, il revient au peuple de décider et non au président de la République.
Félix Tshisekedi
Le président a tenu à rassurer sur ce point, affirmant que s’il était question de toucher aux articles actuellement “verrouillés” comme celui sur la limitation des mandats, alors “il reviendrait au peuple de décider et non au président”. Reste à savoir si ces propos suffiront à apaiser les craintes de ses opposants politiques.
Un Référendum Obligatoire pour Valider la Réforme
En RDC, toute modification de la constitution doit en effet impérativement être approuvée par référendum populaire ou, à défaut, recueillir un vote favorable des 3/5e du Parlement. Des conditions qui laissent augurer de vifs débats dans les mois à venir autour de ce projet de réforme.
La dernière tentative de révision constitutionnelle datait de 2015. Elle avait donné lieu à d’importantes manifestations à Kinshasa et Goma, beaucoup suspectant l’ex-président Joseph Kabila de vouloir se maintenir au pouvoir. Les violences avaient fait des dizaines de morts et marqué durablement les esprits.
Les Enjeux d’une Nouvelle Constitution pour la RDC
Au-delà des questions liées à la durée des mandats présidentiels, c’est tout le fonctionnement institutionnel de la RDC qui pourrait être impacté par l’adoption d’une nouvelle loi fondamentale :
- Répartition des pouvoirs entre exécutif, législatif et judiciaire
- Organisation territoriale et degré de décentralisation
- Modalités des élections à tous les niveaux
- Garantie des libertés et droits fondamentaux
Autant de sujets cruciaux pour l’avenir du pays, qui nécessiteront un large consensus national. La commission promise par Félix Tshisekedi aura donc fort à faire pour rédiger un texte rassembleur, ancré dans les réalités congolaises mais aussi conforme aux standards démocratiques internationaux.
Une gageure dans un pays qui peine encore à tourner la page des violences et des divisions héritées de son histoire tumultueuse. Mais aussi un défi stimulant pour refonder le contrat social entre les citoyens et leurs dirigeants. L’opposition comme la société civile entendent en tout cas peser de tout leur poids pour faire entendre leurs voix dans ce processus.
C’est d’un véritable dialogue national inclusif dont nous avons besoin pour jeter les bases d’une nouvelle RDC unie et prospère, pas d’une réforme constitutionnelle en catimini.
Un représentant de la société civile
Félix Tshisekedi réussira-t-il son pari d’une constitution nouvelle génération pour la RDC ? Réponse dans les mois et années à venir, qui s’annoncent en tout cas riches en rebondissements sur la scène politique congolaise. Une chose est sûre : en ouvrant ce dossier, le président s’est lancé dans une entreprise aussi ambitieuse que périlleuse, dont l’issue impactera durablement la trajectoire du pays.