La situation humanitaire déjà catastrophique dans l’est de la République démocratique du Congo risque de basculer dans une crise d’ampleur inédite. Selon les Nations Unies, plus de 100 000 personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers en seulement une semaine, suite aux violents combats opposant l’armée congolaise à un groupe armé dans la province du Nord-Kivu. Un nouveau drame qui vient alourdir le bilan d’un conflit qui déchire la région depuis plus de deux décennies.
Des affrontements d’une rare intensité
D’après le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), les affrontements qui se sont déroulés du 1er au 3 janvier 2025 dans le territoire de Masisi centre ont été d’une violence extrême. En l’espace de 72 heures, environ 102 000 civils ont été forcés d’abandonner tous leurs biens pour échapper aux combats. Un exode massif qui témoigne de l’ampleur des destructions et des exactions perpétrées par les belligérants.
Le week-end dernier, la rébellion du M23, un groupe armé soutenu par le Rwanda voisin selon l’ONU, a réussi à prendre le contrôle de Masisi, une localité stratégique située à 80 km au nord de Goma, la capitale provinciale. Cette nouvelle avancée illustre la montée en puissance de ce mouvement, qui ne cesse de gagner du terrain depuis plus d’un an malgré les efforts déployés par Kinshasa et la communauté internationale pour l’endiguer.
Un bilan humanitaire qui s’alourdit de jour en jour
Si un calme relatif semble être revenu à Masisi, incitant certaines familles à regagner prudemment leurs villages, les organisations humanitaires sur place s’alarment des conséquences désastreuses de cette énième vague de déplacements. Avec plus de 600 000 personnes ayant déjà fui les violences fin novembre 2024, l’arrivée de ces nouveaux déplacés risque de submerger totalement les maigres capacités d’accueil et d’assistance.
Entre vendredi et lundi, nos équipes et celles du ministère de la Santé ont pris en charge 75 blessés à l’hôpital de Masisi et au centre de santé de Nyabiondo. Outre ces soins, ces deux structures ont abrité pendant quelques jours des centaines de civils venus s’y réfugier pour y bénéficier d’une protection accrue.
Stéphane Goetghebuer, chef de mission de Médecins Sans Frontières au Nord-Kivu
Déjà confrontés à une situation humanitaire parmi les pires au monde, avec des millions de personnes souffrant de malnutrition aigüe et n’ayant pas accès aux services de base, les civils de l’est de la RDC sont une nouvelle fois les principales victimes de l’instabilité chronique qui mine la région. Pris entre les feux croisés des différents groupes armés qui s’affrontent pour le contrôle des ressources naturelles, ils payent un lourd tribut depuis plus de 30 ans.
Une communauté internationale impuissante ?
Face à cette spirale de la violence qui semble impossible à enrayer, la communauté internationale peine à trouver des solutions durables. En décembre dernier, une rencontre au sommet était prévue à Luanda entre les présidents congolais Félix Tshisekedi et rwandais Paul Kagame, sous l’égide du médiateur de l’Union africaine. L’objectif était d’aboutir à un accord de paix, mais les divergences entre les deux parties ont eu raison de cette énième tentative de dialogue.
Malgré la présence de la plus importante et coûteuse mission de l’ONU au monde en RDC, avec plus de 16 000 Casques bleus déployés, la situation sécuritaire et humanitaire continue de se dégrader dans l’est du pays. Impuissante face aux groupes armés qui pullulent et aux ingérences des pays voisins, la MONUSCO peine à protéger efficacement les populations civiles prises entre deux feux.
Sans une réelle volonté politique de s’attaquer aux racines profondes du conflit, à commencer par le contrôle et l’exploitation illégale des immenses richesses naturelles de la région, il y a peu de chances de voir la situation s’améliorer durablement. Les civils continueront de payer le prix fort d’un conflit marqué par des violences inouïes et des déplacements de populations massifs et récurrents. Un drame humanitaire qui se joue loin des caméras et de l’attention du monde.