Et si les prochaines élections législatives changeaient la donne politique en profondeur ? C’est ce que laisse penser un récent sondage Toluna Harris Interactive pour Challenges, M6 et RTL. À 20 jours du premier tour, le Rassemblement national est donné largement en tête avec 34% des intentions de vote. De quoi envisager une percée historique et inédite à l’Assemblée nationale.
Le RN porté par une dynamique ascendante
Surfant sur le succès des européennes, le RN semble bénéficier d’une dynamique ascendante dans l’opinion. Avec 34% des voix, il progresse spectaculairement par rapport à son score de 2022 (18,7%). Longtemps sous-représenté au Palais Bourbon, il pourrait cette fois prétendre au statut de première force politique à l’Assemblée.
Derrière, la NUPES (22%) résisterait, si la coalition de gauche venait à renaître de ses cendres. La macronie (19%) limite la casse mais perdrait à coup sûr sa majorité absolue. Quant aux Républicains (9%), ils confirmeraient leur déclin amorcé en 2022.
Vers un séisme politique ?
Si ces projections venaient à se confirmer dans les urnes, c’est un véritable séisme politique qui se produirait. Jamais sous la Ve République le RN ou l’extrême droite en général n’ont été en mesure de peser autant à l’Assemblée. Cela ouvrirait une période de fortes incertitudes.
Les rapports de force issus des urnes obligeraient les forces politiques à nouer des alliances inédites pour espérer gouverner. Le RN pourrait se retrouver en position d’arbitre, voire de pivot. Un scénario conduisant potentiellement à une crise institutionnelle d’ampleur.
Les raisons d’une percée annoncée
Comment expliquer cette envolée sondagière du RN ? Plusieurs facteurs semblent à l’œuvre. D’abord, un contexte socio-économique dégradé, entre inflation, pouvoir d’achat en berne et défiance envers les élites. Un terreau favorable au vote contestataire et au rejet des partis de gouvernement.
Le RN apparaît comme le réceptacle d’une colère et d’un ras-le-bol qui ne trouvent plus à s’exprimer dans le champ politique traditionnel.
– Un politologue
Le RN bénéficie aussi d’une image renouvelée sous l’impulsion de sa cheffe Marine Le Pen, jugée plus crédible et présentable que son père. La dédiabolisation du parti lui permet de séduire un électorat plus large, au-delà de ses bastions traditionnels.
Enfin, la recomposition du paysage politique entamée en 2017 joue en sa faveur. Avec l’effondrement des partis de gouvernement historiques comme le PS ou LR, le RN apparaît comme la seule alternative à la macronie pour nombre d’électeurs.
Un sondage à relativiser
Attention toutefois à ne pas surinterpréter ces projections. D’abord parce qu’un sondage reste un instantané de l’opinion, 20 jours avant un scrutin. Ensuite parce que le mode de scrutin uninominal à deux tours des législatives rend très incertaine toute projection en sièges.
Enfin, le RN pourrait pâtir d’un manque d’implantation locale et de réserves de voix au second tour. Sans oublier la mobilisation des adversaires qui feront tout pour faire barrage à une poussée de l’extrême droite.
Vers un big bang politique ?
Malgré ces réserves, ce sondage dit quelque chose de l’état de l’opinion et des lignes de faille qui traversent la société française. Il montre un pays tenté par un vote de rupture, voire de dégagisme envers ses élites.
Face à ce big bang annoncé, c’est toute la classe politique qui est sommée de se réinventer. Sous peine de laisser le RN imposer son agenda et précipiter la France dans une crise politique majeure. L’avenir du pays pourrait se jouer dans les urnes fin juin.