C’est une déclaration qui risque de faire l’effet d’une bombe dans les chancelleries du Moyen-Orient et au-delà. Lundi, lors du sommet de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique à Ryad, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a affirmé qu’Israël devait “respecter la souveraineté territoriale de la République islamique d’Iran” et “s’abstenir d’attaquer son territoire”. Une prise de position étonnante, alors que les tensions sont vives entre l’État hébreu et la République islamique.
Israël et l’Iran, des ennemis de longue date
L’animosité entre Israël et l’Iran n’est pas nouvelle. L’État hébreu est en conflit ouvert avec le Hamas palestinien dans la bande de Gaza et le Hezbollah au Liban, deux mouvements islamistes soutenus par Téhéran. En octobre, l’armée israélienne a mené des frappes contre des sites militaires en Iran, en représailles à des tirs de missiles iraniens sur son sol. Une escalade qui a suscité l’inquiétude de la communauté internationale, Israël mettant en garde l’Iran contre toute nouvelle attaque.
Le réchauffement des relations irano-saoudiennes
C’est dans ce contexte tendu que le prince héritier saoudien a qualifié l’Iran de “République sœur”, lors du sommet de Ryad. Une formule qui en dit long sur le réchauffement des relations entre les deux puissances régionales, longtemps rivales. L’Arabie saoudite, monarchie sunnite, et l’Iran, pays à majorité chiite, ont rompu leurs relations diplomatiques en 2016, s’opposant notamment en Syrie et au Yémen. Mais en mars 2023, les deux pays ont rétabli leurs liens, sous l’égide de la Chine.
Ryad et Téhéran face au conflit israélo-palestinien
Depuis, les contacts se sont multipliés, notamment après le déclenchement de la guerre à Gaza en octobre 2023. Si l’Iran apporte son soutien au Hamas, l’Arabie saoudite cherche à contenir l’expansion du conflit. Une convergence d’intérêts qui s’est traduite par une rare visite d’un haut gradé militaire saoudien en Iran et des exercices navals conjoints en mer d’Oman.
Les conséquences pour le retour de Trump
Ce rapprochement irano-saoudien pourrait bien compliquer le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en 2024. Comme l’explique H.A. Hellyer, spécialiste de sécurité internationale, “Ryad et Téhéran sont en train de réchauffer leurs relations, ce qui crée un environnement régional bien différent de celui auquel Trump était confronté lors de son dernier mandat”. Avant le conflit à Gaza, l’Arabie saoudite négociait un “méga-accord” avec Israël, dans la continuité des Accords d’Abraham conclus sous l’administration Trump. Mais ce revirement diplomatique risque de mettre à mal cette stratégie.
“Trump pourrait vouloir étendre les Accords d’Abraham lorsqu’il prendra ses fonctions l’année prochaine, mais à moins qu’Israël n’opère un changement radical de stratégie dans la région, cela risque de rencontrer beaucoup plus d’obstacles qu’auparavant”
Dr H.A. Hellyer, spécialiste de sécurité internationale
Le soutien affiché de Mohammed ben Salmane à l’Iran constitue donc un véritable défi pour la diplomatie américaine. Si Trump revient au pouvoir en 2024, il devra composer avec ce nouveau paysage géopolitique, où l’alliance entre Ryad et Téhéran redistribue les cartes au Moyen-Orient. Un paramètre de taille, qui pourrait peser lourd dans les équilibres régionaux et les futures négociations de paix.