Des frappes aériennes d’une rare intensité ont secoué le Yémen jeudi, visant des sites stratégiques aux mains des rebelles houthis, dont l’aéroport international de la capitale Sanaa et une centrale électrique dans l’ouest du pays. Mais cette fois-ci, les avions de chasse ne portaient pas les couleurs de la coalition menée par l’Arabie Saoudite, engagée depuis 2015 dans un conflit sanglant contre les insurgés chiites soutenus par l’Iran. Non, les responsables de ces raids dévastateurs ne sont autres qu’Israël, qui accuse les Houthis d’être « au cœur de l’axe de la terreur iranien ».
Cette opération militaire israélienne survient au lendemain de la revendication par les rebelles houthis du tir d’un missile balistique et de deux drones contre le territoire israélien. Une attaque sans précédent qui a fait 16 blessés légers et face à laquelle les forces de défense de l’État hébreu se sont retrouvées impuissantes, échouant à intercepter le projectile. Un affront que le Premier ministre Benjamin Netanyahu n’a pas laissé impuni, ordonnant à son armée de « détruire les infrastructures » des Houthis.
Un message fort dans un contexte explosif
Mais au-delà de la riposte, ces frappes israéliennes au Yémen s’inscrivent dans un contexte régional particulièrement tendu. En effet, elles interviennent en pleine guerre dans la bande de Gaza, déclenchée le 7 octobre 2023 par une offensive inédite du Hamas palestinien en Israël. Depuis, les Houthis ont multiplié les attaques contre l’État hébreu, affirmant agir en solidarité avec leurs « frères » palestiniens.
Une alliance contre-nature entre deux mouvements islamistes a priori éloignés, mais qui partagent une haine viscérale d’Israël et une allégeance commune à l’Iran, leur parrain et fournisseur d’armes. En frappant les Houthis chez eux, sur leurs bases, Israël envoie donc un message fort : aucun de ses ennemis, même lointain, n’est à l’abri de ses foudres.
L’aéroport de Sanaa, cible hautement symbolique
Le choix de l’aéroport international de Sanaa comme cible n’est pas anodin. Contrôlé depuis 2014 par les Houthis, qui ont pris le pouvoir dans la capitale yéménite, déclenchant une guerre civile dévastatrice avec le gouvernement reconnu par la communauté internationale, il est le symbole de leur mainmise sur le pays.
Mais c’est aussi une infrastructure civile vitale, dont la destruction pénalise l’ensemble de la population. Depuis 2016, seuls des vols humanitaires de l’ONU y atterrissaient. Ce n’est que depuis 2022 que la compagnie nationale Yemenia a repris une liaison commerciale limitée, principalement vers Amman en Jordanie. Des maigres ouvertures annihilées par les bombes israéliennes.
Des dommages collatéraux inévitables
Outre l’aéroport, la base aérienne militaire voisine d’al-Dailami et une centrale électrique à Hodeida ont également été touchées, selon les Houthis qui dénoncent « un crime sioniste contre l’ensemble du peuple yéménite ». De fait, en visant des infrastructures duales, à la fois militaires et civiles, Israël prend le risque de dommages collatéraux importants parmi la population.
Un risque assumé, au nom de la lutte contre la « menace iranienne » et ses « proxys » régionaux. Mais qui pourrait se retourner contre l’État hébreu, déjà accusé de faire peu de cas des vies innocentes dans ses opérations. Et renforcer par là même le ressentiment anti-israélien et la détermination de ses ennemis.
Quiconque essaie de s’en prendre à nous doit être frappé avec force.
Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien
Vers une escalade du conflit yéménite ?
Au-delà du duel à distance entre Israël et les Houthis, ces raids risquent d’envenimer un peu plus la situation au Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule arabique déjà dévasté par des années de guerre civile et de blocus. Ils pourraient ainsi pousser les rebelles, qui contrôlent toujours la majeure partie du nord et de l’ouest du pays, à durcir leurs positions et à intensifier leurs attaques, y compris contre l’Arabie Saoudite voisine.
Une perspective peu réjouissante pour les efforts diplomatiques, pourtant relancés ces derniers mois, pour tenter de trouver une issue politique à ce conflit qui a fait selon l’ONU plus de 380 000 morts et plongé des millions de Yéménites dans la famine et le chaos. Mais dans cette guerre par procuration entre puissances régionales, où s’affrontent les intérêts géostratégiques de l’Iran, de l’Arabie Saoudite et maintenant d’Israël, les souffrances du peuple yéménite semblent bien peu peser face aux logiques de domination et de représailles.