Imaginez-vous, paisiblement endormi chez vous, quand soudain un fracas assourdissant vous arrache de votre sommeil. Votre porte d’entrée vole en éclats sous les assauts d’une unité d’élite lourdement armée. Vous vous retrouvez plaqué contre un mur, une arme braquée sur vous. Non, vous n’êtes pas dans un film d’action. C’est le cauchemar bien réel vécu par des centaines de Français chaque année, victimes d’une méprise du RAID ou du GIGN.
602 dommages collatéraux en 2023
Ce n’est pas un fait isolé. En 2023, pas moins de 602 personnes ont déposé une demande d’indemnisation suite à une intervention musclée des forces spéciales à la mauvaise adresse, selon les chiffres du ministère de la Justice. Des dégâts matériels, mais surtout un traumatisme profond pour ces citoyens lambda pris pour cible par erreur.
Monique et Pierre, un réveil brutal
C’est ce qu’ont vécu Monique et Pierre Fresneau, un couple de retraités de Guignen en Ille-et-Vilaine. Le 11 avril 2023 à 6h du matin, une vingtaine de policiers du RAID ont fait sauter leur porte à l’explosif, les extirpant brutalement de leur lit. Motif : une enquête pour trafic de stupéfiants. Sauf que les Fresneau n’ont jamais trempé dans la drogue. Une erreur d’adresse qui leur a valu de se retrouver menottés en pyjama dans leur jardin.
Le tour de la porte et le mur avaient aussi sauté.
– Monique Fresneau, victime d’une perquisition musclée par erreur
Un parcours du combattant pour être dédommagé
Si la méprise a été reconnue, les Fresneau attendent toujours les 2940€ promis pour les réparations. Car obtenir un dédommagement relève du chemin de croix. Il faut écrire au service précontentieux de la préfecture de police de Paris, fournir factures et justificatifs, relancer par courrier. Une procédure complexe qui peut s’étendre sur des mois.
Faciliter les démarches, la promesse du ministère
Face à l’ampleur du phénomène, le ministère de la Justice promet d’agir. Un portail web dédié doit voir le jour en novembre pour simplifier les démarches. Un service spécifique a même été créé en septembre au sein de la Chancellerie pour traiter ces dossiers.
Il permettra d’envoyer des documents de manière dématérialisée. Tout sera beaucoup plus rapide.
– Cédric Logelin, porte-parole du ministère de la Justice
Reste à savoir si ces mesures suffiront à apaiser le traumatisme de ceux qui ont vu leur intimité et leur sentiment de sécurité voler en éclats sous les assauts du RAID. Car derrière chaque porte défoncée par erreur, ce sont des vies bouleversées et une confiance envers les forces de l’ordre durablement ébranlée.
La crainte d’une augmentation des bavures
Avec la multiplication des interventions musclées ces dernières années, notamment dans le cadre de la lutte anti-terroriste, certains redoutent une augmentation des dommages collatéraux. Si les unités d’élite revendiquent un taux d’erreur minime au regard du nombre d’opérations, chaque méprise reste un drame pour les familles concernées.
Un constat qui soulève la question de la responsabilité de l’Etat et de la nécessité de mieux encadrer ces interventions à haut risque. Car si la sécurité des citoyens est en jeu, leur droit à la tranquillité et au respect de leur domicile doit aussi être préservé. Un équilibre délicat que les autorités peinent encore à trouver, au détriment de ces victimes bien involontaires de la guerre contre le crime.