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Radar Américain à Trinité-et-Tobago : Bouclier Anti-Trafics

Un radar américain ultra-puissant vient d’être installé à Trinité-et-Tobago. Objectif officiel : stopper drogue et pétrole vénézuélien illégal. Mais Caracas crie à la provocation. Que se passe-t-il vraiment dans les Caraïbes ? La réponse risque de vous surprendre…

Imaginez une petite île paradisiaque des Caraïbes, eaux turquoise et cocotiers… et soudain, au milieu de ce décor de carte postale, une immense antenne radar qui scrute l’horizon jour et nuit. Ce n’est pas le scénario d’un film d’espionnage. C’est la réalité actuelle à Trinité-et-Tobago.

Depuis quelques semaines, un système radar américain de dernière génération surveille les côtes de l’archipel. Et la Première ministre elle-même vient de lever le voile sur sa véritable mission : traquer les trafiquants qui, depuis le Venezuela voisin, inondent la région de drogue, d’armes et de pétrole de contrebande.

Un radar pour protéger… ou pour surveiller ?

Mercredi, la cheffe du gouvernement de Trinité-et-Tobago a été on ne peut plus claire. Ce nouveau dispositif n’est pas là pour admirer les couchers de soleil. Il traque activement deux fléaux majeurs qui gangrènent la région depuis des années.

Le premier : le narcotrafic. Le second : le contournement des sanctions internationales sur le pétrole vénézuélien. Deux activités qui, selon les autorités locales, partent très souvent des côtes vénézuéliennes, à seulement quelques dizaines de kilomètres.

« Le nouveau système radar aide à détecter les activités de contournement des sanctions liées au pétrole brut vénézuélien et les trafiquants qui effectuent des livraisons de stupéfiants, d’armes à feu, de munitions et de migrants dans notre pays depuis le Venezuela »

Kamla Persad-Bissessar, Première ministre de Trinité-et-Tobago

Des trafics qui touchent directement la population

Pour comprendre l’urgence, il faut se plonger dans le quotidien des Trinidadiens. Ces dernières années, l’archipel a vu arriver des flux incessants de migrants vénézuéliens fuyant la crise. Beaucoup arrivent légalement. D’autres, non.

Pire : les bateaux qui transportent ces personnes transportent souvent, en même temps, armes et drogue. Un cocktail explosif qui alimente la criminalité locale. Les autorités estiment que plus de 70 % des armes illégales saisies proviennent du Venezuela voisin.

Le pétrole fantôme qui finance le régime Maduro

L’autre cible du radar est plus discrète, mais tout aussi stratégique : le pétrole vénézuélien vendu sous le manteau. Depuis 2019 et l’embargo américain, Caracas ne peut plus exporter officiellement son or noir vers les États-Unis.

Mais le pétrole continue de couler. Via des navires fantômes, des transbordements en haute mer, des faux pavillons. Une partie transite par les eaux de Trinité-et-Tobago, parfois avec la complicité de réseaux locaux.

Ce commerce parallèle permet au gouvernement vénézuélien de contourner les sanctions et de récupérer des devises étrangères vitales. Chaque baril vendu illégalement, c’est un peu plus d’oxygène pour un régime sous pression internationale.

Une présence militaire américaine qui s’étoffe

Le radar ne sort pas de nulle part. Il s’inscrit dans un renforcement spectaculaire de la présence américaine dans les Caraïbes ces derniers mois.

Déjà en août, le plus grand porte-avions du monde croisait dans la zone. Officiellement toujours pour la lutte antidrogue. Fin octobre, le destroyer USS Gravely faisait escale dans l’archipel. Mi-novembre, des Marines américains menaient des exercices conjoints avec les forces locales.

Chronologie récente de la présence US à Trinité-et-Tobago :

  • Août : arrivée massive de moyens navals dans les Caraïbes
  • Fin octobre : escale du destroyer USS Gravely
  • 16-21 novembre : exercices avec les Marines américains
  • 27 novembre : annonce officielle de l’installation du radar
  • Décembre : système pleinement opérationnel

Caracas accuse, Port-d’Espagne se défend

À Caracas, on ne décolère pas. Pour le gouvernement vénézuélien, cette coopération militaire n’a qu’un but : préparer le terrain à une intervention visant à renverser Nicolas Maduro et s’emparer des plus grandes réserves pétrolières prouvées au monde.

La réponse de la Première ministre est tranchée : jamais Washington n’a demandé à utiliser le territoire pour lancer une attaque contre le Venezuela. Le radar, dit-elle, protège les Trinidadiens, point final.

Elle va même plus loin en accusant l’opposition locale de fermer les yeux sur les trafics orchestrés depuis le Venezuela. Une charge politique lourde dans un pays où les relations avec Caracas ont toujours été complexes.

Des conséquences déjà très concrètes

La tension a déjà des répercussions économiques. Caracas a purement et simplement annulé les accords gaziers qui liaient les deux pays. Un coup dur pour Trinité-et-Tobago qui comptait développer le gisement transfrontalier Dragon avec son voisin.

Côté américain, les opérations s’intensifient. Depuis septembre, plus de vingt navires suspectés de narcotrafic ont été interceptés dans les Caraïbes et le Pacifique Est. Bilan : plusieurs tonnes de cocaïne saisies et des dizaines d’arrestations.

Entre sécurité nationale et jeu géopolitique

Pour les habitants de Trinité-et-Tobago, la question est simple : ont-ils le droit de se protéger contre des trafics qui les touchent directement ? La réponse semble évidente.

Mais dans la région, nombreux sont ceux qui y voient autre chose : le retour en force de la doctrine Monroe version XXIe siècle. Une Amérique qui, sous prétexte de lutte antidrogue, resserre son étreinte sur son « arrière-cour » caraïbe.

Le radar de Trinité-et-Tobago n’est peut-être qu’une antenne de plus. Mais dans le contexte actuel, il concentre tous les ingrédients d’une poudrière régionale : pétrole, drogue, migrants, sanctions, superpuissances et petits États pris entre deux feux.

Une chose est sûre : dans les mois qui viennent, les eaux turquoise des Caraïbes risquent de rester agitées. Très agitées.

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