La controversée proposition de Rachida Dati, ministre de la Culture, de faire payer l’entrée de la cathédrale Notre-Dame aux touristes pour financer l’entretien du patrimoine religieux français, est plus que jamais d’actualité. Lundi soir, lors d’une rencontre tendue avec Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, la ministre a campé sur ses positions, espérant toujours convaincre l’Église malgré son opposition frontale au projet.
Un bras de fer qui s’enlise entre l’État et l’Église
Depuis qu’elle a lancé cette idée polémique en octobre dernier, Rachida Dati se heurte au refus catégorique de l’Église catholique. Pour l’archevêque de Reims, la gratuité d’accès aux lieux de culte est un principe fondamental garanti par la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. Il craint une marchandisation du patrimoine religieux contraire à sa vocation.
Visiter une église n’est pas la même chose que visiter un château.
Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France
Mais la ministre ne désarme pas, convaincue que sa proposition est la seule solution pérenne pour sauver les édifices religieux en péril, à l’instar de Notre-Dame. Selon des sources proches du dossier, elle mise sur la symbolique forte que représenterait la contribution des millions de visiteurs de la cathédrale, rebâtie grâce à un élan de générosité sans précédent, à la sauvegarde des autres joyaux du patrimoine cultuel français.
Des pistes de compromis à l’étude
Pour tenter de sortir de l’impasse, plusieurs options seraient sur la table. L’une d’elles consisterait à limiter la contribution demandée aux seuls touristes étrangers, en maintenant la gratuité pour les fidèles et visiteurs nationaux. Une autre piste serait d’affecter une partie des recettes du tourisme, via une taxe dédiée, aux travaux de restauration, sans passer directement par un droit d’entrée.
En parallèle, le gouvernement et l’épiscopat planchent sur des solutions complémentaires pour attirer davantage de mécènes privés et stimuler les dons des particuliers en faveur du patrimoine religieux, à l’image de ce qui s’est fait pour Notre-Dame. Un guide du mécénat doit être envoyé prochainement à tous les maires de France par l’Église.
Un symbole de la difficile articulation entre culte et culture
Au-delà des aspects financiers, ce bras de fer illustre la complexité des relations entre l’État et les religions dans la France laïque d’aujourd’hui. Si nul ne conteste la nécessité de préserver ce patrimoine exceptionnel que constituent les églises et cathédrales, leur double dimension cultuelle et culturelle est source de frictions récurrentes.
La réouverture très attendue de Notre-Dame mi-décembre, après trois ans et demi d’une restauration hors-norme, devrait pourtant offrir l’occasion d’apaiser les tensions. Rachida Dati et Mgr de Moulins-Beaufort pourraient y afficher une image d’unité retrouvée. Mais en coulisses, les tractations devraient se poursuivre pour tenter de rapprocher des visions qui peinent encore à s’accorder sur l’épineuse question du financement de l’entretien des édifices cultuels.
Une chose est sûre : le débat sur la pertinence de faire contribuer davantage le tourisme de masse qui se presse dans les hauts lieux du patrimoine religieux à leur pérennisation n’est pas près de s’éteindre. Il renvoie à des enjeux qui dépassent largement le seul cas de Notre-Dame, aussi emblématique soit-il. C’est tout le modèle français de préservation de ces trésors architecturaux et spirituels, à la croisée du cultuel et du culturel, qui est questionné.