Après un an de détention au Burkina Faso, quatre fonctionnaires français ont finalement été libérés ce jeudi, selon des informations confirmées par la Direction générale du renseignement extérieur français (DGSE). Une issue heureuse rendue possible grâce à la médiation discrète mais efficace du roi du Maroc Mohammed VI. Retour sur une affaire aux multiples rebondissements diplomatiques.
Une arrestation qui fait des remous
Le 1er décembre 2023, les autorités burkinabè interpellent quatre Français dans la capitale Ouagadougou. Rapidement, ils sont accusés d’espionnage et présentés comme des agents de la DGSE. Côté français, on s’empresse de démentir, assurant qu’il s’agit en réalité de techniciens en mission de maintenance informatique, munis de passeports diplomatiques en bonne et due forme.
Mais dans un contexte de tensions croissantes entre Paris et Ouagadougou, symbolisées par le départ forcé de l’ambassadeur français quelques mois plus tôt, l’affaire prend une tournure politique. D’autant que le Burkina Faso, en proie à une grave crise sécuritaire, reproche de plus en plus ouvertement à la France son impuissance face aux groupes jihadistes qui sévissent dans le Sahel.
Le Maroc, médiateur inattendu
C’est dans ce climat délétère qu’intervient la médiation marocaine. Une initiative saluée par le président Emmanuel Macron lui-même, qui a tenu à remercier personnellement le roi Mohammed VI lors d’un entretien téléphonique mercredi. Un succès diplomatique qui vient couronner le réchauffement des relations entre Paris et Rabat, après trois années de crise aiguë.
En effet, la France avait ouvert la voie à cette réconciliation dès juillet dernier, en apportant son soutien au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental. Un dossier ultrasensible qui empoisonne les relations entre le Maroc et l’Algérie depuis des décennies. Lors d’une visite d’État fin octobre, Emmanuel Macron a même proposé un nouveau partenariat stratégique entre les deux pays.
Des zones d’ombre persistantes
Si la libération des quatre Français est une excellente nouvelle, elle ne dissipe pas pour autant tous les malentendus. Pourquoi avoir gardé ces hommes en détention pendant un an si leur mission était purement technique ? Quelles preuves ont réellement les autorités burkinabè de leurs activités d’espionnage présumées ?
Autant de questions qui restent en suspens et qui illustrent la complexité des relations entre la France et ses anciennes colonies du Sahel. Car au-delà du cas burkinabè, c’est toute la politique africaine de Paris qui est aujourd’hui remise en cause, sur fond de sentiments anti-français et de concurrence stratégique de plus en plus féroce, notamment de la Russie.
« Cette affaire montre à quel point la France peine désormais à peser dans une région qu’elle considérait autrefois comme sa chasse gardée. »
– Un diplomate européen en poste à Ouagadougou
Vers un nouveau partenariat franco-africain ?
Face à ces défis, Paris semble décidé à faire évoluer son logiciel. Exit le paternalisme et la « Françafrique », place à des relations décomplexées et d’égal à égal, centrées sur les intérêts mutuels. C’est en tout cas le message qu’a voulu faire passer Emmanuel Macron en recevant à l’Élysée une trentaine de jeunes entrepreneurs africains en marge du sommet Afrique-France de Montpellier en octobre dernier.
Reste à savoir si ce nouveau narratif suffira à enrayer la perte d’influence française sur le continent. Car dans le même temps, Russes, Chinois ou encore Turcs avancent leurs pions, profitant des rancœurs post-coloniales et des crises multiformes qui secouent l’Afrique. L’épilogue heureux de l' »affaire des espions » au Burkina Faso en est un symbole : c’est grâce à un pays africain, le Maroc, que Paris a pu sauver la face. Une réalité géopolitique avec laquelle la France va devoir composer.