Les entreprises françaises retiennent leur souffle. Alors que le pays traverse une période d’incertitude politique sans précédent depuis la dissolution surprise de l’Assemblée nationale en juin dernier, les patrons s’inquiètent de l’impact sur leur activité. La chute du gouvernement Barnier n’a fait qu’aggraver un marasme ambiant qui pousse les dirigeants à la plus grande prudence en matière d’investissements et d’embauches.
Les collectivités locales dans le viseur
Mais un autre facteur d’inquiétude monte pour les entreprises : les collectivités territoriales. Confrontées à une baisse de leurs dotations et à la nécessité de maîtriser leur budget, nombre d’entre elles sont tentées de tailler dans leurs dépenses. Or, pour beaucoup d’entreprises, notamment dans le BTP et les services, les commandes publiques représentent une part essentielle de leur chiffre d’affaires.
45% du chiffre d’affaires des entreprises de travaux publics proviennent des commandes effectuées par les collectivités territoriales, rappelle la Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP).
Un effet domino redouté
Privées de ces précieux contrats, de nombreuses PME pourraient se retrouver en difficulté. « Lorsqu’une entreprise stoppe ses investissements, c’est toute sa chaîne de valeur, fournisseurs en tête, qui en subit les conséquences », alerte Patrick Martin, président délégué du Medef. Un véritable effet domino qui pourrait menacer l’ensemble du tissu économique local.
Des signaux d’alarme
Déjà, certaines entreprises tirent la sonnette d’alarme. Selon une enquête menée par la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), 60% des artisans du bâtiment s’attendent à une baisse d’activité dans les prochains mois, principalement en raison du recul anticipé de la commande publique.
Dans les travaux publics, l’heure est également à l’inquiétude. D’après la dernière note de conjoncture de la FNTP :
Les appels d’offres des collectivités locales ont chuté de 15% sur un an au premier trimestre. Un recul qui devrait encore s’accentuer avec le report des élections municipales.
Vers une spirale récessive ?
Pour bon nombre d’observateurs économiques, le risque est réel de voir cette frilosité des collectivités locales casser la fragile reprise qui se dessinait. « Les dépenses d’investissement des administrations publiques locales représentent près de 60% de l’investissement public. Si elles venaient à fléchir significativement, cela pèserait fortement sur la croissance », prévient une note récente de Rexecode.
Un scénario noir qui fait redouter à certains économistes l’entrée dans une spirale récessive. Les entreprises, privées de débouchés, réduiraient à leur tour leurs investissements, provoquant une hausse du chômage et un recul de la consommation des ménages. De quoi déprimer un peu plus des élus locaux confrontés à des rentrées fiscales en berne…
L’État appelé à la rescousse
Face à ce risque, les organisations patronales multiplient les appels au gouvernement pour qu’il soutienne l’investissement local. La FNTP réclame ainsi la mise en place d’un « bouclier anti-crise » doté de 5 milliards d’euros pour compenser les pertes de recettes des collectivités et relancer les projets d’infrastructures.
Reste à savoir si ces revendications seront entendues, alors que l’exécutif est lui-même confronté à une équation budgétaire compliquée. Entre la nécessité de contenir les déficits publics et la pression pour soutenir le pouvoir d’achat, la marge de manœuvre semble étroite. Mais pour de nombreux chefs d’entreprise, c’est une question de survie. Sans un geste fort et rapide des pouvoirs publics, ils craignent de ne pas passer l’année.