Alors que les Jeux Olympiques de Paris 2024 approchent à grands pas, un dispositif sécuritaire soulève de vives inquiétudes : le recours massif au QR code pour contrôler l’accès aux sites olympiques et à de larges zones alentour. Au-delà des questions pratiques, ce sont de véritables enjeux éthiques et sociétaux qui émergent. Entrons dans le vif du sujet.
Le QR code, sésame incontournable des JO 2024
Pour accéder aux nombreux sites des compétitions ainsi qu’à un vaste périmètre les entourant, il faudra montrer patte blanche, ou plutôt QR code. Ce dernier sera délivré après renseignement d’un formulaire d’état civil en ligne. Sans lui, impossible de pénétrer dans ces zones, même pour les résidents ou les travailleurs. Un dispositif d’une ampleur inédite.
Les autorités justifient cette mesure par des impératifs de sécurité, dans un contexte de menace terroriste. Mais à quel prix pour nos libertés individuelles ? C’est toute la question.
Sous couvert de sécurité, un contrôle généralisé
Derrière l’argument sécuritaire, c’est bien un contrôle massif des déplacements qui se profile. Chaque entrée dans ces zones sera consignée, chaque identité vérifiée. Un traçage en temps réel des allées et venues d’une large part de la population, résidents comme touristes ou simples visiteurs.
Certes, des dérogations sont prévues, mais le principe même interroge : sommes-nous prêts à sacrifier notre liberté de circuler sur l’autel de la sécurité ? À accepter de devoir en permanence justifier nos déplacements ?
Nous rentrons dans une société où nous nous habituons peu à peu à nous déclarer, à être contrôlés, tracés dans nos déplacements.
Hervé Le Jouan et Pierre-Antoine Chardel
Nos données personnelles en question
Au-delà du contrôle physique des déplacements, c’est un véritable big data qui risque de se constituer, sans que l’on sache exactement quel usage en sera fait :
- Quelles garanties sur la protection des données collectées ?
- Quels croisements avec d’autres fichiers ?
- Quelle pérennité de conservation, bien au-delà des JO ?
Autant de questions aujourd’hui sans réponses, qui nourrissent les craintes d’un vaste fichage et d’une surveillance généralisée. La CNIL, pourtant garante de nos libertés numériques, ne s’est pas encore saisie du sujet.
L’éthique du QR code en débat
Plus largement, c’est la banalisation même du QR code comme technologie de contrôle qui pose question. Après la crise sanitaire et le passe vaccinal, le voilà mis au service d’impératifs sécuritaires. Mais pour quelle prochaine utilisation ?
À force de justifier son emploi par des circonstances exceptionnelles, n’est-on pas en train d’installer durablement et subrepticement une société de surveillance digital de masse ? En normalisant le fait de devoir en permanence produire un “laissez-passer” pour accéder à l’espace public ?
Le QR code est associé dans l’esprit de l’opinion publique à des formes d’innovation que l’on ne saurait refuser, ni contester.
Pierre-Antoine Chardel
Il est plus que temps de réfléchir collectivement aux implications éthiques et politiques du QR code. Au fait d’en faire un outil de facilitation de nos vies, au risque d’entrer insidieusement dans une société du “tout contrôle”. Un débat fondamental à mener, bien au-delà du seul cas des JO de Paris.