Ce dimanche, une page s’est tournée pour l’indépendantisme catalan avec le retour aux commandes de Carles Puigdemont à la tête de son parti Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne). L’ancien président de la région, en exil depuis la tentative avortée de sécession de 2017, a été plébiscité par les militants avec plus de 90% des voix.
Malgré un mandat d’arrêt toujours en vigueur de la justice espagnole, qui l’a contraint à vivre à l’étranger ces sept dernières années, Puigdemont compte bien relancer la lutte pour l’indépendance. “Il est maintenant temps de sortir et de jouer un nouveau jeu”, a-t-il déclaré par vidéo lors du congrès du parti. “Cessons de résister et passons à l’offensive car tout un pays nous attend. Vive la Catalogne libre!”.
Une figure emblématique et clivante
Carles Puigdemont, 58 ans, est devenu le visage de la rébellion catalane en organisant le référendum d’autodétermination du 1er octobre 2017, jugé illégal par Madrid. Suite à la déclaration symbolique d’indépendance quelques semaines plus tard, il avait fui en Belgique pour échapper aux poursuites, laissant une Catalogne divisée et sous tutelle.
Depuis son exil, il n’a eu de cesse de dénoncer la “répression” espagnole et de réclamer un nouveau vote. Une posture sans compromis qui lui vaut l’adoration de la base indépendantiste mais aussi les critiques de ceux qui prônent le dialogue avec l’État central.
Un bref retour en Catalogne
Début août, alors que le parlement régional s’apprêtait à élire un nouveau président non-indépendantiste, Puigdemont a créé la surprise en faisant une brève apparition à Barcelone. Devant des milliers de partisans rassemblés près de l’assemblée, il a promis de “continuer la lutte”, avant de repartir en Belgique in extremis pour éviter une arrestation.
Une scène surréaliste qui en dit long sur le feuilleton politico-judiciaire entourant le leader séparatiste. Même l’amnistie controversée accordée en mai aux autres protagonistes de 2017 n’a pas suffi à tourner la page, la Cour suprême estimant qu’elle ne pouvait s’appliquer à Puigdemont en raison d’accusations persistantes de détournements de fonds.
Un “nouveau jeu” semé d’embûches
Réélu à la tête de Junts, qui reste la 2e force au parlement derrière les socialistes, le tribun catalan se retrouve dans une position délicate pour mettre en œuvre son fameux “nouveau jeu”. D’abord parce qu’il ne peut toujours pas fouler le sol espagnol sans risquer la prison, ce qui limite grandement sa marge de manœuvre.
Ensuite parce que le camp indépendantiste est plus fragmenté que jamais, comme l’ont montré les dernières élections. Son rival de la Gauche républicaine (ERC), plus modéré et favorable à la négociation avec Madrid, refuse de reconstituer l’alliance qui avait permis la tentative de 2017.
Enfin, sur le plan judiciaire, son sort est loin d’être scellé. Si les appels déposés contre son exclusion de l’amnistie n’aboutissaient pas, il pourrait rester persona non grata en Espagne pendant de longues années encore.
L’indépendance, un horizon incertain
Malgré tous ces obstacles, Carles Puigdemont n’entend rien lâcher sur l’objectif d’émancipation de la Catalogne. Son retour aux responsabilités à la tête du principal parti séparatiste témoigne d’une détermination intacte à défier l’État espagnol.
Mais 7 ans après le choc de 2017, et alors qu’une majorité de Catalans ne semblent plus disposés à une rupture unilatérale, la stratégie prônée par Puigdemont pour parvenir à l’indépendance apparaît de plus en plus comme une impasse. À moins d’un renversement improbable du rapport de force avec Madrid, la “Catalogne libre” qu’il appelle de ses vœux a tout l’air d’un horizon lointain et incertain.
Une chose est sûre : le feuilleton catalan, qui a profondément marqué l’Espagne ces dernières années, est loin de connaître son épilogue. Avec le retour au premier plan de Carles Puigdemont, c’est un nouveau chapitre agité qui s’ouvre, sans que personne ne puisse prédire le dénouement.