Lundi 10 juin, les Nuits de Fourvière ont vibré au rythme des chansons engagées. Raphaële Lannadère, Jeanne Added, Camélia Jordana et Sandra Nkaké ont uni leurs voix puissantes et singulières le temps d’une soirée baptisée “Protest Songs”. Un spectacle fort en émotions et en messages, qui a rappelé combien la musique pouvait être un vecteur de résistance et de contestation. À l’origine du projet, la chanteuse Raphaële Lannadère a réuni autour d’elle trois amies et consœurs : Jeanne Added, Camélia Jordana et Sandra Nkaké. Quatre voix singulières, quatre univers musicaux, mais une même envie de faire résonner haut et fort des textes engagés, qu’ils soient issus de leurs répertoires respectifs ou puisés dans le patrimoine de la chanson contestataire. Accompagnées par la metteuse en scène Phia Ménard, les artistes ont livré un tour de chant éblouissant, entièrement a capella. Vêtues de noir, capuches sur la tête, elles ont investi la scène dos au public, contemplant l’horizon, avant de laisser éclater leurs voix. Du grave intense de Sandra Nkaké à l’aigu lumineux de Raphaële Lannadère, en passant par les timbres cuivrés de Jeanne Added et Camélia Jordana, leurs quatre timbres se sont mêlés pour n’en former qu’un, puissant et subversif. Le répertoire, éclectique, a fait la part belle aux grands standards de la protest song, de “We Shall Overcome”, hymne de la lutte pour les droits civiques popularisé par Joan Baez, à “Douce France” de Charles Trenet, repris par Rachid Taha en 1986 alors que Charles Pasqua arrivait au ministère de l’Intérieur. Mais la soirée a aussi permis de (re)découvrir des textes d’auteurs engagés, comme celui d’Aimé Césaire, figure de la négritude, déclamé par Christiane Taubira à l’Assemblée lors des débats sur le mariage pour tous en 2013. Ou encore un poignant hommage de Rachid Taha à son père algérien, parti chercher une vie meilleure dans la France des années 60. “Ah si j’étais un homme, je demanderais pardon, pour les guerres et les trophées, les corps et les abandons” Les quatre artistes ont aussi puisé dans leurs répertoires respectifs des chansons engagées, souvent très personnelles. Camélia Jordana a interprété son titre féministe “Si j’étais un homme”. Raphaële Lannadère a livré son déchirant “Orlando”, écrit après la tuerie homophobe de juin 2016 en Floride. Quant à Jeanne Added, elle a électrisé le public avec “A War Is Coming”, morceau écrit en 2015 comme un appel à la résilience. Au fil de la soirée, les frontières entre scène et salle se sont effacées. Le public, conquis et ému, a repris en chœur les refrains les plus connus. Les sourires et les larmes se sont mêlés. Les frissons ont parcouru les travées du théâtre antique. Car au-delà de la prouesse vocale et de la qualité des interprétations, c’est bien le message porté collectivement par les artistes qui a touché en plein cœur les spectateurs. Un message humaniste, féministe, antiraciste, subversif. Un message qui fait du bien et qui fait réfléchir. La preuve, une fois de plus, que l’art et la culture ont un rôle essentiel à jouer dans le débat public et la prise de conscience collective. Après Lyon, le spectacle “Protest Songs” sera donné le 11 juin à la Philharmonie de Paris. Avant, espérons-le, une longue tournée dans toute la France. Pour que résonnent, encore et toujours, les voix de la résistance.Une constellation d’artistes militantes
De Joan Baez à Aimé Césaire
Une soirée cathartique