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Prospection minière sous-marine : la Norvège devra s’expliquer

La Norvège ouvre ses fonds marins à la prospection minière malgré les mises en garde des scientifiques et des ONG. Le WWF porte l'affaire en justice, réclamant plus de garanties environnementales. Un procès sous haute tension qui pourrait faire jurisprudence...

Malgré les objections de la communauté scientifique et de diverses organisations non gouvernementales, la Norvège s’apprête à devenir l’un des premiers pays au monde à autoriser l’exploitation minière des fonds marins. Une décision lourde de conséquences pour les écosystèmes sous-marins, qui suscite l’indignation des défenseurs de l’environnement. Le WWF Norvège a décidé de porter l’affaire devant les tribunaux, réclamant la suspension du processus d’attribution des permis d’exploration faute d’étude d’impact suffisante.

Un procès aux enjeux considérables

C’est un procès inhabituel qui s’est ouvert ce jeudi en Norvège. Le gouvernement du pays scandinave va en effet devoir justifier devant un tribunal sa décision controversée d’ouvrir ses fonds sous-marins à la prospection minière. Une première mondiale qui suscite l’inquiétude des défenseurs de l’environnement.

Selon le WWF, à l’origine de l’assignation en justice, les autorités norvégiennes se sont engagées dans ce processus de manière précipitée, sans disposer de suffisamment de connaissances sur les impacts potentiels de l’exploitation minière en eaux profondes.

Cette décision est fondée sur la base d’une étude d’impact insuffisante et ne répond pas aux critères imposés par la législation norvégienne

Karoline Andaur, secrétaire générale de WWF Norvège

L’organisation réclame la suspension du premier cycle d’attribution de licences, prévu pour 2025, ainsi qu’un moratoire sur l’exploitation minière sous-marine tant que les connaissances scientifiques sur ses effets ne seront pas plus solides. Le WWF demande également que les fonds publics destinés à soutenir les entreprises d’extraction soient réorientés vers des institutions de recherche indépendantes.

Des écosystèmes fragiles en danger

Si elle venait à se concrétiser, l’exploitation des fonds marins par la Norvège ferait peser une lourde menace sur des écosystèmes méconnus et déjà fragilisés par le réchauffement climatique, alertent les organisations environnementales. Parmi les dangers identifiés :

  • La destruction directe d’habitats et d’organismes vivants
  • La pollution sonore et lumineuse liée à l’activité des machines
  • Les risques de fuites de produits chimiques
  • Le déplacement accidentel d’espèces invasives

Des dommages irréversibles qui pourraient être causés à des écosystèmes dont le rôle est essentiel, tant pour la biodiversité que pour la régulation du climat, sans que l’on en mesure encore pleinement les conséquences.

Prospection ou exploitation ?

Du côté du gouvernement norvégien, on se veut rassurant. Il ne s’agit pour l’instant que d’ouvrir une partie des fonds marins à la prospection, et non à l’exploitation, souligne-t-on. Une phase essentiellement consacrée à la cartographie et à l’exploration, avec un impact environnemental jugé limité.

Avant de commencer toute exploitation, il doit être démontré que celle-ci peut avoir lieu de manière durable et responsable

Astrid Bergmål, secrétaire d’État au ministère norvégien de l’Énergie

Les premières demandes de permis d’exploitation devront par ailleurs être approuvées au cas par cas par le Parlement. Mais pour les ONG, l’ouverture à la prospection n’est qu’un premier pas vers une exploitation commerciale à grande échelle, avec des garanties environnementales insuffisantes à ce stade.

Un enjeu de souveraineté économique

Au-delà des considérations écologiques, la ruée annoncée vers les grands fonds s’explique aussi par des enjeux économiques et stratégiques de taille. Selon les autorités norvégiennes, le sous-sol marin du pays recèlerait d’importants gisements de minerais essentiels à la transition énergétique, comme le cuivre, le cobalt ou les terres rares.

Des ressources d’autant plus précieuses que la demande explose avec l’électrification des transports et le développement des énergies renouvelables. En se positionnant parmi les pionniers de l’exploitation sous-marine, la Norvège entend ainsi sécuriser ses approvisionnements et réduire sa dépendance vis-à-vis de pays comme la Chine.

Une stratégie que dénoncent les organisations environnementales, pour qui l’urgence de la transition énergétique ne peut justifier de nouveaux ravages écologiques. Elles pointent également les incohérences d’un pays qui se veut à la pointe de la lutte contre le changement climatique tout en poursuivant l’exploitation des énergies fossiles offshore.

Vers un moratoire international ?

Au-delà du cas norvégien, c’est plus largement l’avenir de l’exploitation minière des océans qui est en jeu. Alors que l’industrie promet des retombées économiques importantes, la communauté scientifique et une partie des décideurs appellent à la plus grande prudence.

Plusieurs pays comme la France, le Chili ou la Nouvelle-Zélande, de grandes ONG et des multinationales comme BMW ou Google ont déjà pris position pour un moratoire international sur l’exploitation des grands fonds. Une demande rejetée par l’Autorité internationale des fonds marins, l’organe de l’ONU chargé de réguler les activités en haute mer, qui a récemment donné son feu vert à l’élaboration d’un cadre réglementaire.

Nous espérons que le procès en Norvège contribuera à faire évoluer le débat international. Il est encore temps d’éviter la ruée vers les grands fonds et de protéger nos océans

Louisa Casson, responsable de campagne Océans pour Greenpeace

Un défi immense alors que les pressions pour exploiter ces ressources s’intensifient. La bataille juridique qui s’engage en Norvège sera suivie de près par tous les acteurs concernés. Elle pourrait faire jurisprudence et influencer durablement l’avenir de nos océans.

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