Un petit séisme politique vient de se produire dans les coulisses du pouvoir. Le député Éric Woerth a remis ce jeudi au président Macron son très attendu rapport sur l’avenir de la décentralisation en France. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ancien ministre de Sarkozy n’y est pas allé avec le dos de la cuillère ! Parmi la cinquantaine de propositions explosives : le retour du cumul des mandats, la création d’un conseiller territorial hybride, une refonte de la fiscalité locale… Des idées chocs qui pourraient bien faire vaciller le fameux “millefeuille territorial” français.
Cumul des mandats : les maires vont-il pouvoir redevenir députés ?
C’était une demande forte des élus locaux : Éric Woerth propose de réintroduire le cumul des mandats, au moins pour les maires et les présidents d’intercommunalité. L’argument ? Retrouver des passerelles entre le local et le national pour une meilleure prise en compte des territoires.
Si le cumul des mandats pour les parlementaires n’est pas rétabli, il me semble impératif de le réintroduire pour les maires et les présidents d’intercommunalité
– Éric Woerth dans son rapport
Une proposition qui fera sans doute bondir certains partisans de la moralisation de la vie politique, alors que le non-cumul des mandats était censé être une avancée démocratique ! Mais pour les élus locaux confrontés au mille-feuille administratif, pouvoir à nouveau occuper un siège à l’assemblée nationale tout en gérant leur commune pourrait simplifier bien des choses.
Le conseiller territorial, l’homme-orchestre des collectivités
Autre proposition choc : la création d’un “conseiller territorial” hybride, sorte d’homme-orchestre des collectivités locales. Il siégerait à la fois au conseil municipal, à l’intercommunalité, au département et à la région ! Objectif assumé : rationaliser la représentation locale en créant des élus “multi-casquettes”. Fini les doublons et le manque de coordination entre les différents niveaux de collectivités.
- Le conseiller territorial serait élu au niveau du canton
- Il représenterait sa commune au sein de l’intercommunalité
- Il serait aussi le représentant cantonal au département et à la région
Un sacré défi, alors que les français ont déjà bien du mal à s’y retrouver dans le labyrinthe des échelons territoriaux… Mais pour Éric Woerth, ce “couteau suisse” des élus locaux serait un bon moyen de décloisonner la gouvernance territoriale et de regrouper les compétences.
Impôts locaux : vers la fin de la spécialisation fiscale ?
Enfin, le rapport Woerth s’attaque à un autre serpent de mer de la décentralisation : la fiscalité locale. Actuellement, chaque niveau de collectivité a son impôt attitré : taxe foncière pour les communes, taxe d’habitation pour les intercommunalités, droits de mutation pour les départements… Un système complexe et peu lisible que le député de l’Oise propose de faire sauter :
Les régions et les départements devraient pouvoir lever l’ensemble des impôts locaux sur leurs territoires, y compris ceux actuellement dévolus au bloc communal.
– Extrait du rapport Woerth
Autrement dit, régions et départements pourraient aussi prélever une part de taxe foncière et de taxe d’habitation, quitte à redistribuer ensuite une partie des recettes aux communes et intercommunalités via des mécanismes de péréquation. Un big bang fiscal qui viserait à responsabiliser chaque échelon sur l’ensemble des enjeux de son territoire.
Des propositions très politiques qui feront débat
S’il se gardait bien de le dire trop fort, Éric Woerth avait en tête un autre objectif en rédigeant ce rapport : occuper l’espace politique à droite en vue de 2027. Car en remettant sur la table des marqueurs comme le retour du cumul des mandats, l’ancien ministre sarkozyste fait un clin d’œil appuyé aux élus locaux de son camp. Reste à savoir ce qu’en pensera Emmanuel Macron, lui qui doit déjà composer avec une majorité relative à l’assemblée et des oppositions revigorées…
Une chose est sûre : ces propositions ne manqueront pas de faire réagir tout le landerneau politique et territorial. Entre partisans d’une décentralisation poussée et défenseurs d’un état jacobin, le débat sur le “mille-feuille” a de beaux jours devant lui. Les prochains mois nous diront si Emmanuel Macron choisit de redistribuer les cartes des pouvoirs locaux, au risque de fâcher une partie de son camp. Affaire à suivre !