L’écart de productivité entre l’Europe et les États-Unis ne cesse de se creuser, au détriment de l’emploi sur le Vieux Continent. C’est le constat alarmant dressé par Antonin Bergeaud, économiste spécialisé dans les questions d’innovation et de croissance. Selon lui, une heure de travail en Europe génère aujourd’hui 10 à 15% de valeur ajoutée en moins comparée à la même heure outre-Atlantique. Une situation qui pèse lourdement sur les salaires et les perspectives d’emploi.
Un coup de frein brutal en 2008
Si la productivité européenne décline progressivement depuis les années 1990 par rapport aux États-Unis, la crise financière de 2008 a marqué un véritable tournant. Depuis, la croissance de la productivité peine à redémarrer sur le Vieux Continent. Un phénomène d’autant plus préoccupant que les Européens travaillent en moyenne 110 heures de moins par an que les Américains.
Résultat : le PIB par habitant stagne en Europe, avec un manque à gagner de 3000 dollars par rapport aux États-Unis. Une situation qui fragilise le marché de l’emploi européen, les entreprises étant tentées de délocaliser pour réduire leurs coûts.
Diffuser les technologies, un impératif
Pour Antonin Bergeaud, l’Europe doit impérativement accélérer la diffusion des nouvelles technologies dans son économie. Car si la recherche fondamentale est performante sur le Vieux Continent, l’application concrète des innovations dans les entreprises prend trop de retard. Un facteur clé pour doper la productivité selon l’économiste.
Ce n’est pas un hasard si les géants du numérique sont tous américains. L’Europe doit mettre les bouchées doubles pour rattraper son retard dans l’économie de la connaissance.
Antonin Bergeaud, économiste
Miser sur la formation et l’éducation
Autre levier essentiel selon les experts : investir massivement dans la formation professionnelle et l’éducation. Car pour tirer pleinement parti des nouvelles technologies, encore faut-il disposer d’une main-d’œuvre qualifiée. Un défi de taille pour l’Europe, qui souffre d’une pénurie de compétences dans de nombreux secteurs stratégiques comme l’informatique ou l’ingénierie.
- Près de 40% des entreprises européennes peinent à recruter des profils qualifiés dans les métiers du numérique.
- Seulement 11% des diplômés du supérieur en Europe sont issus de filières scientifiques et technologiques, contre 18% aux États-Unis.
Vers une “destruction créatrice” de l’emploi ?
Si la révolution technologique détruit inévitablement certains emplois, elle est aussi créatrice de nouveaux métiers. Un phénomène bien connu des économistes, baptisé “destruction créatrice”. Mais pour que le solde soit positif, encore faut-il anticiper les mutations et accompagner les transitions professionnelles. Un chantier titanesque qui nécessitera des politiques publiques volontaristes et une mobilisation de tous les acteurs.
L’avenir de l’emploi en Europe se jouera dans notre capacité à monter collectivement en compétences. C’est une question de survie économique.
Une source proche des milieux patronaux européens
Face à l’urgence, l’Europe semble prendre conscience de l’ampleur du défi. La Commission européenne a fait de la montée en gamme technologique une priorité de son agenda, avec des initiatives comme le plan “Digital Europe”. Des programmes de financement massifs sont également déployés pour soutenir l’innovation et la R&D des entreprises. Reste à accélérer le mouvement pour éviter que le Vieux Continent ne décroche durablement dans la compétition mondiale pour l’emploi et la croissance.