Près de 80 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les fantômes du nazisme continuent de hanter l’Allemagne. Un tribunal vient en effet de relancer une procédure judiciaire contre un ancien gardien SS du tristement célèbre camp de concentration de Sachsenhausen, aujourd’hui âgé de 100 ans. Malgré son âge avancé, la justice estime qu’il pourrait être en mesure de comparaître pour répondre des crimes qui lui sont reprochés.
Une affaire qui remonte à plus de 75 ans
C’est un dossier hors norme qui refait surface en Allemagne. Selon des sources proches de l’enquête, l’homme aujourd’hui centenaire est soupçonné d’avoir été complice, entre 1943 et 1945, du meurtre cruel et perfide de plus de 3 300 prisonniers alors qu’il officiait comme jeune garde SS à Sachsenhausen. Ce camp de concentration, situé au nord de Berlin, a vu transiter quelque 200 000 détenus pendant la guerre, principalement des opposants politiques, des Juifs et des homosexuels. Beaucoup d’entre eux ont péri d’épuisement, de mauvais traitements ou d’exécutions sommaires.
Une procédure relancée malgré des expertises contradictoires
Inculpé depuis l’été 2023, l’ancien SS dont l’identité n’a pas été dévoilée aurait pu échapper à un procès. Une première expertise psychiatrique en 2022 le jugeait « au moins partiellement apte » à être jugé. Mais une contre-expertise réalisée en 2024 l’a déclaré inapte, entraînant un refus du tribunal de Hanau d’ouvrir un procès en mai dernier. Contestée par le parquet, cette décision vient d’être infirmée en appel. Les juges estiment en effet que les informations du dernier rapport d’expertise « ne sont pas suffisantes » pour conclure à l’inaptitude.
Une volonté de juger malgré le grand âge des accusés
Ce rebondissement démontre la détermination de la justice allemande à poursuivre les derniers criminels nazis encore en vie, quel que soit leur âge. Depuis la condamnation en 2011 de John Demjanjuk, un ancien gardien du camp d’extermination de Sobibor, plusieurs procès ont été intentés contre des nonagénaires et des centenaires. Une course contre la montre qui se heurte souvent à la réalité biologique : beaucoup meurent avant leur jugement ou juste après comme Josef Schütz, un ancien SS condamné à 102 ans en juin 2022.
Un devoir de mémoire et de justice
Malgré les défis, les autorités judiciaires et les associations de survivants insistent sur l’importance de ces procès, même tardifs. Pour les victimes et leurs familles, c’est souvent la dernière occasion d’obtenir justice et une certaine forme de reconnaissance des souffrances endurées. Au-delà des cas individuels, ces procédures ont une portée symbolique et morale forte. Elles rappellent que les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles et que chacun doit rendre des comptes, fusse des décennies plus tard.
Des preuves cruciales malgré le temps qui passe
La tenue de ces procès très tardifs repose sur un travail d’enquête minutieux mené par une unité spéciale créée dans les années 2010. En épluchant les archives des camps et de l’administration nazie, les enquêteurs recherchent la moindre trace documentaire permettant d’étayer les soupçons et les témoignages des survivants. Car malgré l’érosion inévitable des souvenirs, ces derniers restent des pièces à conviction cruciales, des paroles précieuses face à ceux qui nient encore les atrocités nazies.
Le sort judiciaire de l’ancien gardien de Sachsenhausen reste donc encore incertain à ce stade. Le tribunal de Hanau devra réexaminer son cas et trancher définitivement la question de son aptitude à comparaître. Quelle que soit l’issue, ce dossier prouve que la soif de justice pour les victimes de la barbarie nazie reste intacte. Un combat sans cesse recommencé pour que l’indicible ne sombre jamais dans l’oubli et l’impunité.