C’est un procès hors normes qui s’ouvre ce lundi 17 février à Paris. Sur le banc des accusés, 5 jihadistes de l’organisation terroriste État Islamique, dont le sulfureux Mehdi Nemmouche, déjà condamné pour l’attentat du Musée Juif de Bruxelles en 2014. Mais cette fois, c’est pour une toute autre affaire qu’ils comparaissent : la séquestration et la torture de journalistes français en Syrie en 2013-2014. Un dossier explosif qui pourrait lever le voile sur les rouages de l’EI et les sombres secrets de ses geôles.
Des Otages Journalistes Brisés mais Déterminés à Témoigner
Didier François, Edouard Elias, Nicolas Hénin et Pierre Torres. Ces quatre journalistes français ont vécu l’enfer aux mains de l’EI. Enlevés par groupes de deux à quelques jours d’intervalle en Syrie en juin 2013, ils ont subi pendant de longs mois un calvaire fait de violences, de privations et de simulacres d’exécution. Mais après leur libération en avril 2014, la plupart d’entre eux ont rapidement reconnu parmi les photos de jihadistes publiées dans la presse un visage familier : celui de leur geôlier, surnommé « Abou Omar ». L’homme n’était autre que Mehdi Nemmouche.
Aujourd’hui, malgré le traumatisme, ils sont bien décidés à regarder leurs bourreaux dans les yeux et à témoigner de l’horreur vécue. Car au-delà de leur histoire personnelle, c’est tout un système qu’ils veulent dénoncer. Leurs récits glaçants, livrés durant l’enquête, donnent une idée de ce qui les attend à la barre :
Il prenait un plaisir sadique à nous faire écouter les hurlements des prisonniers syriens torturés. Parfois, il laissait un corps égorgé devant notre porte.
– Un ex-otage décrivant les agissement de Mehdi Nemmouche
Nemmouche, Geôlier Pervers et Antisémite
Dans leurs dépositions, les ex-otages dressent un portrait accablant de Mehdi Nemmouche, décrit comme un homme « bavard« , « pervers« , obsédé par l’antisémitisme et admiratif de Mohamed Merah, l’auteur des tueries de Toulouse et Montauban en 2012. Un fanatique converti tardivement qui se vantait de faire du « nettoyage ethnique à la mode religieuse« . Des propos qui font froid dans le dos et qui en disent long sur sa personnalité.
Mais Nemmouche n’était pas seul. D’autres jihadistes francophones officiant comme tortionnaires sont évoqués par les otages, laissant penser qu’une véritable filière de geôliers français sévissait au sein de l’EI. Parmi eux, deux autres accusés comparaissent aux côtés de Nemmouche même s’ils sont présumés morts : Najim Laachraoui, un des kamikazes des attentats de Bruxelles en 2016, et Salim Benghalem, un vétéran du jihad.
Les Avocats de la Défense Contre-Attaquent
Face aux lourdes charges qui pèsent sur leurs clients, les avocats de la défense tentent déjà de semer le doute. Me Francis Vuillemin, conseil de Nemmouche, assure que son client contestera le rôle de geôlier et affirmera n’avoir « jamais rencontré » les ex-otages. Une ligne de défense fragile au vu des témoignages accablants, mais qui montre que le procès promet des joutes intenses.
Au-delà du cas Nemmouche, ce sont les agissements de l’ensemble du groupe et le système concentrationnaire de l’EI qui seront au cœur des débats. Car les journalistes n’étaient pas les seuls otages : de nombreux humanitaires et civils syriens ont aussi été détenus et parfois exécutés. Un procès pour l’Histoire qui doit faire la lumière sur l’un des visages les plus sombres du terrorisme.