Après un mois de procès intense, Marine Le Pen est montée à la barre mardi pour s’expliquer sur les soupçons de détournement des fonds européens par son parti, le Rassemblement National. La présidente du RN a nié avec fermeté l’existence d’un quelconque “système” frauduleux, affirmant qu’il ne s’agissait que d’une poignée de mails et SMS sur des dizaines de milliers échangés.
Une défense sur la forme mais pas sur le fond ?
Pendant plus d’une heure, Mme Le Pen a développé son argumentaire, réécrivant parfois le dossier à sa manière et éludant certains points embarrassants. Elle a notamment mis en avant la nécessité pour le RN, avec ses 23 eurodéputés élus en 2014, de “mutualiser” le travail de leurs assistants parlementaires, une “culture de centralisation” propre au parti selon elle.
Mais le tribunal cherche justement à déterminer si cette organisation ne cachait pas en réalité un vaste système permettant de salarier des assistants “fictifs” travaillant pour le parti en France avec l’argent du Parlement européen. Le préjudice financier est pour l’heure estimé à 3 millions d’euros.
Florilège d’arguments de Marine Le Pen
- Impossible de déterminer les tâches d’un assistant au vu de la diversité des profils
- Droit de veto sur les profils “toxiques” politiquement mais pas d’ingérence dans les recrutements
- Sentiment d’un procès à charge où l’opinion des juges serait déjà faite
La cheffe du RN a balayé l’idée qu’elle ait pu imposer des assistants aux députés, tout en admettant un droit de regard pour écarter certains profils jugés néfastes. Au final, elle estime que sa défense n’a pas été entendue par un tribunal qui aurait déjà un avis tranché sur la question.
Des témoignages embarrassants
Mais la justice devrait revenir sur des éléments accablants, comme deux réunions à l’été 2014 où Mme Le Pen aurait expliqué aux eurodéputés qu’ils devraient embaucher un seul assistant, le reste de l’enveloppe revenant au parti.
Ce que Marine nous demande équivaut à signer pour des emplois fictifs.
Un eurodéputé RN dans un mail en 2014
Un eurodéputé avait d’ailleurs mis en garde contre le risque que l’utilisation des fonds par un groupe aussi important soit passée au crible. Mais pour l’ex-trésorier du parti, jamais Marine Le Pen n’aurait proposé quelque chose d’illégal à ses élus.
Un procès sous haute tension politique
Au delà des aspects purement financiers, ce procès revêt un caractère éminemment politique à quelques mois des élections européennes. Marine Le Pen, candidate malheureuse à la présidentielle, joue sans doute une part de sa crédibilité sur ce dossier judiciaire.
La décision du tribunal, attendue le 27 novembre, sera donc scrutée avec attention. Simple maladresse dans la gestion opaque d’un jeune groupe politique ou réelle magouille pour financer illégalement le RN ? Les juges auront la lourde tâche de trancher et de faire la lumière sur cette affaire qui empoisonne le parti lepéniste depuis des années.