C’est un procès très attendu qui s’est ouvert ce lundi au tribunal correctionnel de Rennes. Sur le banc des accusés, le commissaire divisionnaire Grégoire Chassaing, poursuivi pour homicide involontaire dans l’affaire Steve Maia Caniço, ce jeune homme de 24 ans mort noyé dans la Loire lors d’une intervention policière controversée pendant la Fête de la musique à Nantes en juin 2019. Une affaire qui avait suscité une vive émotion et de nombreuses interrogations sur les méthodes d’intervention des forces de l’ordre.
Face à face poignant entre le prévenu et la famille de la victime
Dès l’ouverture de l’audience, la tension était palpable dans la salle comble du tribunal. En face du commissaire Chassaing, les proches de Steve Maia Caniço, dont sa mère Béatrice, effondrée. Celle-ci a dressé un portrait émouvant de son fils, décrit comme “gentil, heureux avec ses amis, ayant horreur des conflits et de la violence”. Un jeune homme qui avait aussi “très peur de tout ce qui était uniforme” selon elle.
De son côté, le commissaire Chassaing, 47 ans, a exprimé d’une voix posée sa “compassion” et sa “tristesse” face au drame, assurant “mesurer la douleur” de la famille. Un propos qui tranchait avec la position de déni adoptée jusqu’ici par le fonctionnaire, qui dirigeait le dispositif policier le soir du drame.
Retour sur les faits
Le 21 juin 2019, lors de la Fête de la musique, de violents affrontements avaient éclaté vers 4h30 entre participants et policiers, venus sur l’île de Nantes pour faire cesser la musique. Une opération de maintien de l’ordre sous la responsabilité de Grégoire Chassaing, lors de laquelle des gaz lacrymogènes avaient notamment été utilisés pour disperser la foule.
Au cours de cette intervention, de nombreux fêtards étaient tombés dans la Loire toute proche. Parmi eux, Steve Maia Caniço dont le corps sans vie sera repêché cinq semaines plus tard. L’autopsie révèlera qu’il est mort noyé après avoir subi un “plongeon traumatique”, probablement causé par un “effet de panique”.
Une enquête longue et complexe
L’enquête sur ce drame, longue et complexe, a finalement conduit à la mise en examen du commissaire Chassaing en 2020 pour homicide involontaire. Selon les juges d’instruction, il aurait commis des “fautes” en ne prenant pas en compte “les risques générés par l’opération de maintien de l’ordre”, organisée sans “effectifs suffisants” et de façon inadaptée sur cet “espace à risques”. Des accusations que l’officier a toujours réfutées.
Il n’y a pas eu de charges de la police, pas d’intervention inappropriée. Je pense qu’on a fait ce qu’on pouvait avec les moyens qu’on avait.
Commissaire Grégoire Chassaing lors d’une audition
Les débats qui s’annoncent tendus devront donc faire la lumière sur la chaîne de responsabilités et d’éventuelles défaillances ayant conduit à la mort de Steve Maia Caniço. Un enjeu majeur pour la famille de la victime en quête de vérité, pour l’accusé qui risque jusqu’à 5 ans de prison, mais aussi plus largement pour l’institution policière, une nouvelle fois sous le feu des critiques pour ses méthodes.
Une affaire emblématique
Au-delà de l’aspect judiciaire, l’affaire Steve Maia Caniço est en effet devenue le symbole des dérives dénoncées dans le maintien de l’ordre à la française. Elle avait provoqué une vague d’indignation, de nombreuses manifestations émaillées de slogans hostiles à la police comme “La police noie”, et une crise politique, avec la mise en cause du ministre de l’Intérieur de l’époque Christophe Castaner.
Trois ans après les faits, ce procès très médiatisé apparaît donc comme un rendez-vous crucial. Et ce premier jour d’audience, riche en émotions, n’est que le début d’un processus qui s’annonce long et difficile pour toutes les parties. Avec en toile de fond, l’espoir que la justice soit rendue et qu’un tel drame ne se reproduise plus.
