C’est un procès hors norme qui se déroule actuellement dans le sud-est de la France. Une cinquantaine d’hommes sont accusés d’avoir violé Gisèle Pelicot, une femme droguée par son mari Dominique qui recrutait des inconnus sur Internet pour abuser d’elle. Face à l’ampleur de l’affaire devenue un symbole des violences faites aux femmes, les avocats de la défense mettent en garde la cour contre un verdict précipité.
« La vérité judiciaire est rarement celle espérée »
D’après une source proche du dossier, Me Stéphane Simonin, avocat de deux des accusés, a averti en introduction de sa plaidoirie :
La vérité judiciaire est toujours issue d’un long processus dont l’aboutissement est souvent douloureux. Elle est rarement celle espérée.
Ses clients, Vincent C., 43 ans, et Philippe L., 62 ans, affirment n’avoir pas eu conscience que Gisèle Pelicot était droguée lors des faits. Ils contestent donc l’accusation de viol, faute d’intention de commettre un crime. Me Simonin a exhorté la cour à se demander si cette conscience « aurait dû surgir au moment des faits » et si les accusés « en avaient la capacité ».
15 ans de réclusion requis
Le ministère public a requis de lourdes peines à l’encontre des accusés : 15 ans de réclusion pour Vincent C. et 10 ans pour Philippe L. Des réquisitions jugées excessives par la défense qui dénonce un « réquisitoire à la hache ». Me Simonin a supplié la cour de permettre à son client sexagénaire de « rentrer auprès de sa mère ».
La défense met en garde contre les décisions « yaka faucon »
Prenant le relais, Me Carine Monzat, avocate de Jean T., 52 ans contre qui 12 ans de réclusion ont été requis, a mis en garde les juges :
Je vous demande de ne pas prendre de décision « yaka faucon ».
Elle souligne que lorsque son client est entré dans la chambre, c’est d’abord le mari Dominique Pelicot qui abusait de son épouse, laissant penser qu’il s’agissait d’un scénario élaboré par un couple libertin. Jean T. avait-il conscience d’avoir affaire à « un criminel en train de violer une femme sédatée » ?
Dominique Pelicot, le mari proxénète
Au cœur de cette affaire sordide, Dominique Pelicot, 72 ans, le mari qui a reconnu avoir drogué sa femme Gisèle pour la violer et la livrer à des dizaines d’inconnus recrutés sur Internet. Des faits qu’il nie toutefois, affirmant qu’il s’agissait d’une mise en scène avec l’accord de son épouse, une version contestée par cette dernière.
Un procès symbole des violences faites aux femmes
Au-delà des responsabilités individuelles de chacun des accusés, ce procès est devenu le symbole de la lutte contre les violences faites aux femmes et du combat pour faire évoluer le regard de la société et de la justice sur ces crimes.
Beaucoup espèrent qu’il marquera un tournant, avec des condamnations exemplaires reconnaissant pleinement le statut de victime de Gisèle Pelicot, quand bien même les accusés n’auraient pas eu pleinement conscience de participer à un viol.
Mais la défense met en garde contre la tentation d’un procès expiatoire, où la dimension symbolique l’emporterait sur l’examen méticuleux des responsabilités de chacun. Me Simonin l’a martelé :
La vérité judiciaire est rarement celle espérée.
Il faudra sans doute encore patienter pour que la cour rende son verdict dans ce procès fleuve qui passionne et révulse l’opinion publique depuis des semaines. Un verdict très attendu qui sera forcément emblématique, mais la défense l’espère, pas au détriment d’une justice sereine et équitable, sans décision prise « yaka faucon ».