C’est un procès hors norme et ultra médiatisé qui se tient depuis plusieurs semaines au palais de justice d’Avignon. Dominique Pelicot, accusé principal, est jugé avec une cinquantaine d’autres hommes pour avoir violé son ex-épouse Gisèle Pelicot pendant une dizaine d’années, l’ayant droguée et livrée à des dizaines d’inconnus recrutés sur Internet. Ce mercredi, c’était au tour des avocats de la défense de plaider pour tenter de convaincre les jurés.
Des plaidoiries chocs pour minimiser la responsabilité des accusés
Lors de cette journée de plaidoiries, les avocats d’une dizaine d’accusés venus à six reprises chez les Pelicot pour abuser de Gisèle ont avancé des arguments chocs, n’hésitant pas à pointer du doigt la responsabilité de Dominique Pelicot, décrit comme un « ogre », un « loup » et un « manipulateur » qui serait « un faiseur de violeurs ».
Tout en louant le « courage » et « l’intelligence » de Gisèle Pelicot dans son combat contre les violences faites aux femmes, certains avocats ont appelé les jurés à ne pas rendre « un verdict exemplaire » ni à « juger un fait divers comme un fait de société ». Des propos qui ont scandalisé les parties civiles.
Un « conditionnement » et une « situation d’assujettissement » ?
Me Emile-Henri Biscarrat, avocat de Dominique D., chauffeur routier de 45 ans ayant reconnu être venu à six reprises en sachant que la victime était droguée et non consentante, s’est insurgé contre les 17 ans de réclusion requis par l’accusation contre son client. Il a tenté d’atténuer sa responsabilité en invoquant « le conditionnement » et la « situation d’assujettissement » dans laquelle l’aurait placé Dominique Pelicot par ses talents de « manipulateur ».
« Dans tout ce qu’il a fait, ce n’est pas ça qui va absoudre monsieur D., mais il y a ce conditionnement. »
Me Emile-Henri Biscarrat, avocat de Dominique D.
L’avocat a demandé à la cour d’alléger la peine en prenant en compte le passé difficile de son client, abandonné à 6 mois, ses pulsions sexuelles, mais aussi son engagement dans l’armée et le travail d’amendement effectué en prison.
« Tombés dans les mailles du filet » de Dominique Pelicot
Dans la même veine, Me Gaële Guenoun, avocate de Jerôme V., 46 ans, employé de magasin venu lui aussi à six reprises, a reproché à l’accusation d’avoir « cherché à faire un exemple » avec les lourdes peines requises, « loin de favoriser l’amendement et la réinsertion des accusés ».
Tout en soulignant que son client avait « tout reconnu » et « exprimé sa honte », elle a expliqué qu’il était revenu six fois car il était « tombé dans les mailles du filet de Dominique Pelicot », allant jusqu’à qualifier ce dernier de « faiseur de violeurs » qui aurait placé Jerôme V. en « situation d’assujettissement » de par sa forte personnalité.
« En chargeant Pelicot, on se dédouane de sa propre responsabilité »
Des arguments vivement critiqués par l’avocate de Dominique Pelicot, Me Béatrice Zavarro, pour qui « en chargeant Dominique Pelicot, on se dédouane de sa propre responsabilité, on n’assume pas les actes ».
« Pendant des mois, on est venu s’excuser auprès de Mme Pelicot pour rien alors ? »
Me Béatrice Zavarro, avocate de Dominique Pelicot
Elle a aussi regretté que certains de ses confrères défendent peu les personnalités de leurs clients, se contentant de pointer la responsabilité de l’accusé principal.
Expliquer sans excuser : le difficile exercice des avocats
D’autres avocats se sont attelés, dans une défense plus sobre, à retracer les parcours de vie difficiles de leurs clients, marqués par des violences notamment sexuelles, pour expliquer sans excuser leur passage à l’acte.
C’est le cas de Me Céline Attard, avocate de Fabien S., qui a souligné le « cheminement » et le travail sur lui-même de cet homme dont le père d’accueil fut condamné pour viols. Venu une seule fois à Mazan, il avait d’abord cru Mme Pelicot « complice » avant de comprendre « qu’elle avait été détruite ». « Il sait ce que c’est comme victime de ne pas être entendu », a plaidé l’avocate, espérant une peine inférieure aux 16 ans requis.
Verdict très attendu le 20 décembre
Après ces plaidoiries qui ont suscité l’indignation des parties civiles, le procès doit se poursuivre jusqu’au 20 décembre, date à laquelle la cour rendra son verdict très attendu dans cette affaire hors norme.
Dominique Pelicot, qui reste impassible face aux plaidoiries chargeant sa responsabilité de « manipulateur », risque 20 ans de réclusion. Les autres accusés qui sont venus à plusieurs reprises, dont la peine requise tourne autour de 15-17 ans, connaîtront eux aussi leur sort, dans un procès qui marquera les esprits par l’ampleur et l’horreur des faits jugés, mais aussi par l’omerta et les complicités qui les ont rendus possibles pendant une décennie.